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Le repos qu’apporte la grande Simone Weil

Parfois, on se dit que les grands sages — Simone Weil, par exemple — sont fatigants, même assommants, diraient certains. Mais arrêtons-nous un instant. En vertu du principe qu’on ne possède que ce qu’on peut nommer, elles et ils sont là à nommer pour nous, à nous rendre l’existence encore plus reposante. Elles-ils rendent le sentier plus « allable ».

Retour à Simone Weil, dans ses Cahiers III. À la vérité, ses réflexions tiennent, dirait-on, de son journal personnel.

L’illimité est l’épreuve de l’un. Le temps, de l’éternel. Le possible, du nécessaire. La variation, de l’invariant.

Bouddhisme zen. Objet : découvrir combien l’essence de l’existence diffère de celle de l’intelligible.

Tai-hui : « Ne vous occupez pas des questions humaines de bien et de mal. Toute chose est Zen exactement telle qu’elle est. » (Chinois du XIe siècle)

Résoudre, c’est comprendre qu’il n’y a rien à résoudre, que l’existence n’a pas de signification pour les facultés discursives, et qu’il ne faut pas laisser celles-ci sortir de leur rôle de simple instrument explorateur de l’intelligence en vue du contact avec la réalité brute. Quand on a résolu l’énigme, on épouse la princesse, on hérite du royaume.

L’éternel seul est invulnérable au temps. Pour qu’une œuvre d’art puisse durer toute une vie (même durer pure toute une journée peut-être), pour qu’une œuvre d’art puisse être contemplée des heures et des jours de suite, pour qu’une conception de la condition humaine puisse demeurer la même à travers les multiples expériences et les vicissitudes de la fortune — il faut une inspiration qui descende du monde situé de l’autre côté du ciel.

Le temps par son cours use et détruit ce qui est temporel (aussi, hélas, bien des choses essentiellement éternelles, poèmes et statues grecques, religion des Druides, etc.). Ainsi il y a plus d’éternité dans le passé que dans le présent, même toutes choses égales d’ailleurs, ou plutôt moins de temporel et par suite une proportion plus forte d’éternité. Valeur de l’histoire bien comprise, analogue à celle du souvenir dans Proust. Ainsi le passé nous présente quelque chose qui est à la fois réel et meilleur que nous, qui peut nous tirer vers le haut, ce que l’avenir ne fait jamais.

Même la crucifixion du Christ n’est pas plus chargée de signification qu’une aiguille de pin qui tombe.

 

Croyant que vous êtes, ne vous sentez pas insultez par cette dernière ligne. Simone Weil (1909-1943) était des vôtres. Mais jamais elle n’a cessé de chercher… et de nous proposer des clefs.

 

Simone Weil, Cahiers III, Nouvelle édition revue et augmentée, Librairie Plon, 1974.

On trouvera ici d’autres réflexions extraites de ces Cahiers III.

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