Autrefois, les chants de Noël, on les appelait simplement « noëls » (Premier de deux billets)
Voici un survol de l’histoire des noëls.
Dès la plus haute antiquité chrétienne, on trouve trace de vieux noëls ; ce furent surtout les populations des campagnes qui s’adonnèrent à ces compositions mystiques. Au moyen âge, les églises d’Occident, pendant le chant des noëls, représentaient la Nativité avec des personnages qui n’appartenaient pas au clergé. On retrouve cette coutume dans l’office des pasteurs longtemps célébré.
Le chant des noëls prit un grand développement vers le milieu du treizième siècle ; les veillées en étaient sanctifiées et, même dans les cabarets, il n’était point rare qu’un pieux noël alternât avec des chansons profanes.
Au quatorzième siècle, les noëls prirent souvent la forme du dialogue ; ils eurent alors plus de majesté et d’ampleur. Remarque curieuse : les bergers, les pâtres y emploient tous le dialecte gallo-romain, poitevin, normand, breton, c’est-à-dire le patois du pays de l’auteur, tandis que la Vierge, saint Joseph et Jésus parlent toujours le noble et aristocratique latin. Peu à peu, les noëls devinrent de véritables mystères, comme la Pastorale de la naissance du Christ et le mystère de la Nativité.
Dès les premières années du dix-septième siècle, certains poètes firent des noëls comme ils auraient fait des églogues [un poème de style classique consacré à un sujet pastoral] ou des pastorales ; le plus connu des recueils de ce genre est intitulé : Noëls bourguignons, de J. A. La Monnoye (1761), où se trouvent de véritables petits chefs-d’œuvre de naïveté.
Voici quelques vers d’un de ces noëls sur l’air du Poulailler de Pontoise :
Lor qu’on lai saison qu’ai jaule (gelé)
Au monde Jésus Chri vin ;
L’âne et le beu l’échaufin.
De le soffle dans l’étaule (étable)
Que d’âne et de beu je sais,
Dans ce royaume de Gaule,
Qui n’en airein pa tan fai ?
* * *
Les noëls de la Monnoye firent grand bruit ; le Parlement s’émut et fut sur le point de poursuivre l’auteur ; mais des amis puissants intervinrent : l’affaire en resta là.
Puis on parla d’un noël gracieux attribué à Aimé Piron ou à Mignard :
Chantons, je vous en prie,
Par exaltation,
En l’honneur de Marie,
Pleine de grand renom.
* * *
Dans le midi de la France, et surtout en Provence, la fête de Noël est l’objet de manifestations spéciales, presque toujours accompagnées de chants de noëls. Il y a de vieilles femmes si renommées pour les bien conduire, et dont la voix, quoique affaiblie par l’âge, a un tel accent d’autorité qu’elles sont retenues, pour les fêtes, pour un nombre d’années qui dépasse celui qu’elles vivront.
Là, la locution : li belle feste de Nonea met chacun en joie.
Les chants commencent la veille au dîner de famille, présidé par l’aïeul ; avant de se mettre à table, on bénit la bûche de Noël, tronc d’olivier bien sec en général ; pour cela, toute la famille se range, debout, autour de l’âtre, tandis que le plus jeune des enfants, à genoux devant le feu, dit cette oraison :
« Beau feu, chauffe les pieds de mes grands-parents, des petits orphelins, des pauvres infirmes ; répands la chaleur dans toutes les mansardes, mais ne brûle jamais ni le logis, ni le navire en mer. »
On bénit le tronc l’arrosant de vin cuit ; on récite le benedicite et, le repas fini, on entonne les noëls.
Le lendemain 26, fête de saint Étienne, très populaire en Provence, où fourmillent les Étienne et les Étiennette, on mange un pain spécial qui affecte la forme d’une gourde, et auquel on attribue toutes sortes de vertus préservatrices et miraculeuses.
Le Canadien (Québec), 24 décembre 1886.
La suite : demain.
L’image provient de Mon deuxième livre de lecture, textes de Marguerite Forest et Madeleine Ouimet, illustrations de Jean-Charles Faucher, Montréal, Librairie Granger Frères Ltée, 1935. Il s’agit d’un ouvrage approuvé par le Conseil de l’Instruction publique de Québec, à sa séance du 14 décembre 1938.
Notez que cette belle chanson est d’Augusta Holmès, née Augusta Holmes (1847-1903), compositrice française d’origine britannique et irlandaise.
Si vous ne connaissez pas la chanson, la voici ici interprétée par Tino Rossi.