Sapré Alphonse !
Alphonse Piché (1917-1998), j’entends. Le poète. Il est né à Chicoutimi, mais s’est retrouvé à Trois-Rivières à l’âge d’un an, je crois bien. Il était à peine plus jeune que mon père, né en 1914. J’aurais bien aimé le rencontrer. Peut-être même l’ai-je croisé sans le savoir. Mais j’ai plusieurs de ses œuvres.
Quand il parle du pont de fer et de sa « sauvage rivière » aux « eaux noires », il faut être de Trois-Rivières, ou d’en amont probablement, pour reconnaître le Saint-Maurice aux eaux dangereuses, amantes des remous. Nos parents nous priaient de ne surtout pas s’y baigner, ils savaient les nombreuses noyades. La chanson traditionnelle québécoise, d’ailleurs, a retenu certaines histoires où le Saint-Maurice a emmené son monde avec lui ; il suffit, par exemple, d’écouter Yves Albert et certaines de ses chansons de terroir.
Hommage ici à Alphonse. Chanson dédiée à R. L.
Chanson
Vous êtes, Mon Amour, la Dame d’un empire
Dont l’éternel soleil abolit les saisons;
Vous êtes l’or, l’encens, le granit, le porphyre,
L’orgueil inespéré qui fuit ma cargaison.
Vous êtes l’oasis, la voile du navire,
L’épave survenue à l’ultime oraison,
La main que presse encore l’agonie en délire,
L’espérance sans fin par-delà l’horizon.
Ah ! poser en vos lieux ma longue lassitude,
Ma raison immolée à vos béatitudes,
Abreuver à vos puits l’idéal de mes fleurs !
Mais, hélas ! où trouver le philtre magnétique
Qui ferait se confondre, en un accord mystique,
La clarté de vos ciels, les ombres de mon cœur.
Alphonse Piché, Poèmes, 1946-1968, Montréal, Éditions de l’Hexagone, 1976.