Un Romain épris des choses de la Nature
Nous avons déjà évoqué ce poète philosophe, il y a bientôt trois ans. Mon ami Simon nous avait mis sur la piste de son grand et unique livre disparu pendant plus de 1000 ans.
Cet homme, Lucrèce, vivant dans le siècle violent qui précéda la naissance de l’Enfant, a trouvé refuge, a trouvé santé dans la Nature. Comme l’écrit son préfacier Henri Clouard, il avait été, étant jeune, témoin de massacres, et « assista au déchaînement des pires ambitions et entendit souvent le tumulte des émeutes ».
Voyez, par exemple, comment il trouve plaisir à la vie. Pour lui, dans ce monde où nous vivons et en faisant tout à fait corps, tout se tient. D’entrée de jeu, il écrit :
Nul corps ne retourne au néant, mais tous retournent, après leur dissolution, aux éléments de la matière. Les pluies semblent se perdre quand le dieu Ether les a précipitées dans le sein de notre mère commune, la terre.
Mais en retour surgissent les brillantes moissons, sur les arbres verdissent les rameaux ; eux-mêmes, les arbres croissent et se courbent sous le poids des fruits. De là des aliments pour notre espèce et celles des animaux ; de là tous ces enfants qui font fleurir les villes réjouies ; tous ces oiseaux, nouvellement éclos, qui font chanter le feuillage des forêts ; de là ces brebis qui reposent dans les gras pâturages, leur corps fatigué d’embonpoint, et dont la mamelle gonflée distille une blanche liqueur ; de là les tendres agneaux jouant et folâtrant, faibles encore et tout tremblants, parmi les herbes, quand le lait maternel a comme enivré leur jeune tête.
Rien donc ne se perd tout à fait de ce qui semblait périr, puisque d’un être fini la nature reforme un être qui commence, et que ce n’est que par la mort des uns qu’elle procure la vie aux autres.
Tu sais donc maintenant que les choses ne s’engendrent point du néant, et qu’une fois produites, elles n’y retourneront point.
Lire le livre de cet homme est un repos. Manifestement, délaissant son milieu violent et envieux, il a trouvé sa paix intérieure en fréquentant la Nature. Et, comme lecteur, nous nous y retrouvons aussi une paix. Le soir, sous la lampe, j’aime beaucoup m’y attarder avant de gagner mon grabat.
Lucrèce, De la Nature, traduction, introduction et notes de Henri Clouard, Paris, Garnier Flammarion, 1964, 247 pages. Encore aujourd’hui, le livre, un classique, est assurément disponible en poche.
L’illustration de la couverture ? Le Printemps, par Arcimboldo (détail). Collection particulière, Paris. Cliché Giraudon.