Il est arrivé que les gens de la grande ville aient le discours réducteur
On a dit pendant plusieurs années — et l’expression court-elle peut-être encore quelque part — que la personne qui écrivait et n’habitait pas Québec ou Montréal était « régionaliste ». Du même coup, on laissait sous-entendre qu’elle produisait du matériel qui n’était pas à la hauteur de ceux de Québec et Montréal. On accusa, par exemple, de cette manière Blanche Lamontagne de régionaliste.
Elle aimait son pays — le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie — et le chantait. De quel droit pouvait-on ainsi la réduire ? Mais la dame, solide, filait son chemin. Dans son ouvrage Ma Gaspésie, son pays du bord de mer mis en poèmes, elle tient bon.
Chanson
On dit que ce pays est rude.
Que trop grande est sa solitude,
Et trop sauvages ses forêts;
Que trop ingrats sont ses guérets;
On dit que son flot en furie
Pendant de trop longs jours charrie
Le froid, le givre et le glaçon…
Qu’importe, je veux le mettre en chanson !
On dit que son pêcheur, robuste,
Est trop somnolent, qu’il est fruste,
Qu’il est bavard et langoureux,
Et pas assez ambitieux;
On dit qu’un rêve vain l’obsède,
Et que même au sommeil il cède,
Parfois, en tenant l’hameçon…
Qu’importe, je veux le mettre en chanson !
On aime tout en ceux qu’on aime.
Et le plus grand défaut lui-même
Devient presque de la beauté
Quand il se nomme hérédité !..
Ne chante-t-on pas dans sa race
La laideur ainsi que la grâce,
Le merveilleux, le sans-façon ?..
Tout a sa place dans une chanson !..
Je veux que par ma fantaisie,
Tout entière ma Gaspésie,
Avec ses pêcheurs nonchalants,
Ses neiges, ses flots ruisselants,
Son âme dolente et joyeuse,
Ses varechs, sa côte venteuse,
Et ses relents de vieux poisson,
Vole sur les ailes de ma chanson !..
Blanche Lamontagne-Beauregard, Ma Gaspésie, Montréal, 1928.
C’est joli comme tout. Cela pourrait d’ailleurs sans doute faire une jolie chanson.
C’est tout enjoué !