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Un journaliste moqueur… voilà 100 ans

L’hebdo montréalais Le Bulletin y va de cette une non signée.

Après avoir triomphé de l’appendicite et supprimé un organe, dont l’utilité pour cause encore inconnue a cessé, les chirurgiens, qui ne doutent de rien, nous promettent pour bientôt, les moyens de refaire de nous des hommes nouveaux, en remplaçant les organes vitaux du corps humains.

Un Américain — s’il vous plaît — le Dr Simon Fletner, nous parle de remplacer l’estomac d’un patient, son cœur ou ses rognons par des nouveaux, avec le calme d’un architecte qui entreprendrait de reconstruire l’intérieur d’un vieil édifice.

Peut-être se demandera-t-on où les chirurgiens de l’avenir se procureront des estomacs, des cœurs et des rognons tout prêts à fonctionner.

Les savants ne se mettent pas en peine pour si peu et nous n’aurons pas à aller chez le pharmacien du coin pour acheter un cœur humain de trois ou six livres, afin d’opérer à domicile un petit rafistolage chez un «canayen» qui aura eu la malchance de briser son principal organe.

Avec la théorie des savants, c’est bien plus simple et un bon cœur de chien ou de veau fera l’affaire.

Qu’est-ce que la greffe des plantes, à côté de cette merveille ? Un simple jeu d’enfant.

Dans quelques années, les chirurgiens seront en état de produire une nouvelle variété d’humains et l’on mettra au rancart les procédés trop lents ou douteux de la vieille nature.

Si un homme qui a une maladie de cœur peut se procurer un bon cœur de veau, ou si un homme qui a une dyspepsie peut emprunter l’estomac de son chien, il est possible d’espérer que l’on atteindra la perfection physique.

Il y a bien un petit danger, c’est que la nature humaine change avec les modifications que l’on fera subir à son anatomie.

Un homme avec un bon cœur de veau dans sa poitrine pourrait bien ne plus boire de bovril [boisson sanglante de bœuf épais et salé dilué dans de l’eau] sans penser à son «pauvre frère» et l’homme à l’estomac de chien pourrait peut-être tromper sa faim avec les mollets de ses semblables.

Mais enfin, ce sont des dissertations hors de propos, puisque la science ne se préoccupe pas de ces détails.

L’essentiel, c’est de suivre le progrès.

 

Le Bulletin (Montréal), 5 janvier 1908.

Le Bovril, j’ai essayé une fois et ce fut suffisant. Comme le Castoria et l’huile de foie de morue, il lui a fallu une publicité tenace pour durer longtemps, facilement 70 ans.

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