Ah, Madame, dès le départ, vous avez intérêt à révéler votre myopie à votre futur
L’histoire se passe à Montréal. La Patrie du 26 août 1902 nous la raconte.
Un jeune homme du nom de Damase Limoges a présenté, ce matin, une motion pour se faire relever du défaut de comparaître, dans une action qui lui fut intentée par Mme Annie Piché, pour rupture de promesses de mariage. La motion a été accordée et les frais réservés, afin de ne pas trop envenimer les choses et de permettre, si possible, la réconciliation… le mariage.
Dans la poursuite originaire [sic], Mme Annie Piché, modiste de son état, alléguait que le défendeur Limoges fit sa connaissance vers le 1er avril. Il commença par lui conter fleurette et alla si vite en besogne que, le 26 juin, on décida de s’épouser et, ça va sans dire, de s’aimer jusqu’à la mort et bien au-delà.
Bref, le mariage fut fixé au 29 juillet. Dans l’intervalle, Limoges acheta l’anneau de mariage, mit les bancs à l’église Saint-Louis de France, etc., etc.
Et, pendant ce temps, Anne Piché s’acheta un trousseau, qu’elle déclara avoir payé $165.00, congédia sa clientèle et remit à son propriétaire l’immeuble qu’elle habitait, rue Drolet.
Or, un jour, ou un soir, — l’histoire ne le dit pas — Damase Limoges découvrit que l’objet de sa flamme était myope. Il brisa sur-le-champ. D’où l’action en dommages au montant de $1,000.
Et, rendant sa décision, l’hon. juge Robidoux fit plaisamment remarquer qu’il ne croyait que le motif de refus invoqué par Limoges était plausible et que beaucoup de maris voudraient bien voir leurs légitimes affligées d’une aussi accommodante infirmité.
Il est probable que cette amusante histoire se dénouera par un mariage, comme dans les romans de M. Berquin.