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«L’amour»

Louisveuillot

Je ne crois pas avoir cité souvent le journaliste et homme de lettres Louis Veuillot, car je trouve ses textes beaucoup vieillis.

En voici tout de même un qui se défend.

Tout homme a senti, ne fût-ce qu’un jour, cette étrange ivresse. Il y a un visage dont l’éclat illuminait ses insomnies, des yeux dont il a cherché le regard comme une plante cherche l’air et le soleil; une voix entre toutes a fait tressaillir les cordes intimes de son âme; et il a cru que ce visage, ce regard, cette voix étaient nécessaires à la vie.

Qui n’a passé le soir sous une fenêtre endormie avec l’espérance obstinée d’y voir seulement glisser une ombre ?

On a été jaloux, on a versé des larmes dont on se souvient encore, dont on savoure encore l’amertume chère longtemps après avoir oublié l’objet de tant de douleurs.

Un lieu a été sacré sur la terre et l’on s’y est rendu seul, afin de revoir l’herbe foulée au pas de cette fée de la jeunesse, qui semblait laisser partout des vestiges adorés.

Quelque but que l’on ait voulu poursuivre à l’heure radieuse de ces premiers élans où l’on croit tout atteindre, on s’est dit : une seule âme, un seul regard me suivront dans la carrière; un cœur, un seul cœur fera des vœux pour moi, se réjouira si je triomphe et pleurera si je succombe !….

Et, de tous les rêves de gloire, ça a été le plus doux. Oui, tout homme a été plus ou moins longtemps sous l’empire d’une femme, qui souvent ne l’a pas su.

Louis Veuillot

 

Le Canada français (Saint-Jean-sur-Richelieu), 6 août 1897.

La gravure représentant Louis Veuillot en 1875 apparaît sur la page Wikipédia qui lui est consacrée.

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