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Où s’en va le français en France ?

Le parler francaisLe journal La Patrie s’élève contre la qualité du français de certains Parisiens.

Pendant que nous nous efforçons au Canada d’épurer notre français et de lui conserver une teinte virginale, est-il possible que nos frères de France essaient de l’altérer et plongent la tête la première dans l’anglicisme ?

Est-il vrai qu’en face de la Ligue du bon parler français de Québec, il existe à Paris une école de mauvais français ?

C’est cependant ce que nous apprend le «Figaro».

Il existe, dit-il, dans Paris, en plein centre, au quartier du Faubourg-Saint-Honoré, une sorte d’institution scolaire sans doute unique en son genre et qui, d’ailleurs, n’est guère dans l’orthodoxie universitaire. C’est une école où l’on apprend… à parler mal le français !

L’explication de ce singulier programme s’impose.

On connaît cette sorte de snobisme, d’après lequel il est obligatoire, dans un certain milieu d’élégance discutable, de se faire habiller, chapeauter, cravater, chausser et linger dans les magasins parisiens qui sont des maisons anglaises… ou qui portent cette étiquette.

Or, un certain nombre d’industriels ingénieux — et d’ailleurs bien français — ont sacrifié à ce goût, mis une enseigne en termes anglais à leurs maisons, et les ont composées d’un personnel d’employés et d’ouvriers très français comme eux… mais qui ont l’allure et même l’accent anglais.

Pour ces employés et ces ouvriers, un dressage préalable est nécessaire. On les envoie donc à cette institution secrète et discrète, installée au faubourg Saint-Honoré, suivre, le soir, des cours où on leur apprend les manières britanniques et l’art de parler le français… comme un Anglais.

Par cet habile stratagème, les snobs parisiens sont illusionnés et ne se doutent pas que le commis du magasin qui leur offre une cravate «very select» ne vient pas de Piccadilly, mais bien des Batignolles…

Évidemment, le mal n’est pas encore bien répandu, il est limité. Mais enfin n’y a-t-il pas dans son existence même une preuve palpable de l’insondable ineptie des individus qui n’ont d’autre ambition que de se distinguer par quelque côté ridicule ?

Nous avons aussi nos snobs au Canada.

 

La Patrie (Montréal), 11 juillet 1902.

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