Arrêt sur le travail de la femme à la campagne
Dans la presse québécoise de 1880 à 1910, il est très rare qu’on rende hommage à la fermière. Parfois, on la dirait quasi inexistante tant c’est le silence à son sujet. Et pourtant quel rôle incroyable elle joue. Voici enfin un texte qui me plaît infiniment à ce sujet.
Le rôle de la femme est considérable dans la vie rurale. À chaque instant, on la rencontre dans l’intérieur du ménage, à la laiterie, à la volaillerie, à la porcherie, à l’étable, dirigeant les travaux où les exécutant elle-même au milieu de ses enfants et à l’aide de serviteurs à gage.
On la voit aussi au jardin potager où sa surveillance est nécessaire, de même qu’aux champs lorsque les travaux de la moisson exigent sa présence. Partout, là, son intervention est indispensable, et c’est avec raison qu’on dit qu’une bonne ménagère est le trésor du cultivateur.
En effet, personne plus que la femme ne contribue par la bonne administration à l’intérieur de la maison et la surveillance même extérieure sur la ferme, par la propreté, par l’ordre, par l’économie, à la prospérité de la ferme, au bien-être et au maintien de la santé de la famille rurale.
À toutes ces excellentes qualités auxquelles on peut ajouter celles des bonnes mères et des femmes vertueuses, une chose manque peut-être trop souvent : l’instruction agricole, c’est-à-dire un peu plus de connaissances dans les différentes branches de l’économie rurale qui sont du ressort de la femme.
Nous savons que dans plusieurs couvents de nos campagnes, l’on consacre plusieurs heures dans la semaine à cet enseignement, et qu’à tour de rôle à l’égard des jeunes élèves, cet enseignement est à l’état de pratique dans le couvent même. Tant mieux et nous souhaitons que l’exemple qui en est donné devienne général.
Les parents se récrient même contre cet enseignement, comme ils l’ont fait à l’égard de l’introduction d’un traité sur l’agriculture dans nos écoles. Mais le temps se chargera de leur prouver qu’ils ont tort de s’opposer à ce que leurs enfants étudient dans les écoles les premiers principes de l’agriculture qui sont la base du succès en agriculture.
Comme nous l’avons dit déjà, il faut commencer par le commencement : donner aux jeunes enfants le goût de l’agriculture.
La Gazette de Joliette, 11 juin 1886.