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Jouvence, où te caches-tu, Jouvence ?

Bowhead whale Arctic

Il faudrait, en ce moment, à une espèce de très nombreuses années de très lente maturation pour que la vie s’abrite des soudains coups du sort.

En 110 ans ou à peu près, l’humain vient de plus que doubler son espérance de vie. Réjouissons-nous ! Sursum corda ! Oui bien sûr, mais peut-être pas. Ce serait trop rapide. La vie aurait besoin de bien davantage de lenteur pour prolonger une espérance de vie saine.

Nous courons après Jouvence, mais chacune de nos vies en ce moment est trop courte, trop rapide, pour atteindre l’éternité, même relative. La vie a besoin de temps, a besoin de grande lenteur pour durer. Elle ne peut répondre à une espérance de vie trop rapide.

Et survient la multiplication des cancers. À 40 ans, nous ne mourrions guère de cancers. C’est bien après ces 40 ans qu’arrivent la plupart des cancers.

Et qui nous enseigne ce propos ? Une baleine. Un des grands mammifères du monde. La Baleine boréale (Balaena mysticetus), le Géant de l’Arctique, dit le Fonds mondial pour la Nature Canada. Capable de vivre plus de 200 ans.

Le sujet vous intéresse, voir, abonnés au journal, l’article de Sandrine Cabut, «L’ADN anticancer de la baleine boréale», Le Monde (Paris), cahier Sciences et médecine, 14 janvier 2015. Extraits.

Nous cherchons à élucider les mystères des cancers. Des Américains ont imaginé récemment un modèle mathématique pour évaluer la part de l’aléatoire dans le développement de tumeurs. Et, bien sûr, on fouille aussi ailleurs. Ainsi, une équipe internationale dirigée par Joao Pedro de Malgalhaes (université de Liverpool) «vient de faire des découvertes sur des gènes de résistance face aux cancers grâce au séquençage complet du génome et de transcriptome de la baleine boréale».

Ce grand animal qui pèse parfois jusqu’à 100 tonnes détient des records de longévité. Pourquoi alors se trouve-t-il relativement préservé des maladies liées au vieillissement, de présenter, en particulier, «bien moins de tumeurs malignes que les humains, alors que son organisme contient au moins mille fois plus de cellules» ?

«Cette absence de corrélation entre la taille d’un animal (donc son nombre total de cellules) et son risque de développer un cancer est connue sous le nom de paradoxe de Peto, du nom de l’épidémiologiste britannique qui l’a décrit dans les années 1970

L’équipe de Magalhaes a mis en évidence chez cette baleine «plusieurs particularités — mutations spécifiques, duplications de gènes… — qui favorisent sa longévité et sa résistance naturelle aux cancers». Et la journaliste d’ajouter que, dans un esprit participatif, toutes les données sont mises à disposition de la communauté scientifique sur le site Bowhead-whale.org.

Le docteur Fabrice Denis, cancérologue et chercheur associé à l’université de Rouen, dit qu’il s’agit d’un «travail époustouflant» qui valide donc «la théorie selon laquelle le cancer est une maladie des espèces dont l’espérance de vie s’est allongée trop rapidement». La Baleine boréale aurait mis vingt millions d’années pour acquérir des mutations génétiques protectrices.

Au Centre de recherches écologiques et évolutives sur le cancer de Montpellier, les codirecteurs Benjamin Roche, biomathématicien, et Frédéric Thomas, biologiste, proposent une explication au paradoxe de Peto, fondée sur un modèle mathématique. Leur travail montre que plus une espèce est de grande taille, plus elle dispose de mécanismes naturels de défense vis-à-vis des cancers, avec activation des gènes suppresseurs de tumeurs et, à l’inverse, diminution d’activité des oncogènes.

La journaliste Sandrine Cabut conclut ainsi son article : Cette approche écologique et évolutive des cancers ne fait que commencer. Les données sur les tumeurs malignes dans le règne animal sont encore très parcellaires mais de nombreux projets sont en cours. «Notre groupe étudie les cancers chez les animaux des zoos français. Des chercheurs américains mènent un travail équivalent dans des réserves africaines», précise Benjamin Roche.

«Le cancer est un ennemi qui se comporte de façon darwinienne, il est temps de l’intégrer comme un paramètre à part entière des écosystèmes», résume Frédéric Thomas.

L’illustration provient du site du Fonds mondial de la Nature Canada.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Mario Gervais #

    Très, très intéressant… Merci pour le partage !

    19 juin 2016
  2. Jean Provencher #

    Merci beaucoup, cher Mario.

    20 juin 2016

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