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Vous avez de la laine à faire filer ?

gare cap saint ignace

Il faut lire ce texte comme appartenant au discours que l’on tient sur la notion de «progrès» depuis les années 1810 en Amérique du Nord.

Nous sommes en 1883. Voici une filature qui ouvre ses portes dans la région de Québec. Sur la Côte-du-Sud, à Cap-Saint-Ignace, tout près de la gare du chemin de fer. Celui qui signe Un cultivateur vous la conseille.

Depuis quelques années, bon nombre de cultivateurs ont l’habitude d’envoyer la laine de leurs troupeaux à Sherbrooke [ici, l’auteur évoque sans doute la filature Patton] et autres places pour la fabriquer; à part quelques exceptions, on est bien servi. Mais vu l’éloignement, la difficulté des communications par quelques-uns [l’usage de l’anglais plutôt que du français], il s’ensuit des retards assez longs et aussi des dépenses.

À l’avantage des cultivateurs et du publique [sic], une manufacture de laine vient de s’établir au milieu de nous. Le district aura donc ses industries capables de répondre au besoin de la classe agricole et tous les gens. M. Elzéar Méthot du cap St-Ignace jetait, il y a un an, les fondements de cet édifice, aujourd’hui sa grande manufacture est en pleine opération. […]

Ce bel établissement s’élève à quelques arpents de la station [de chemin de fer] du Cap St-Ignace, ce qui le met en rapport avec toutes les parties de la province. […] Cette manufacture, étant montée avec tout le soin et le perfectionnement possible des mains habiles la dirigeant, il n’y a aucun doute qu’elle peut rivaliser avantageusement avec celles de Sherbrooke, Coaticook et des États. […]

On pourra peut-être croire que mon intention est de détruire tous les métiers de famille, jeter tous les rouets au feu, condamner toutes les étoffes, flanelles, toiles qui se font dans les maisons. Non, pas du tout, j’aime et j’aimerai toujours à voir ces instruments dans les familles. Si vous le pouvez, si vous avez assez de mains pour les faire tourner, gardez vos métiers, vos rouets, vos cannelles, fabriquez vos étoffes et vos flanelles à la maison. Rien n’est plus beau que la mère et ses filles occupées à tirer le meilleur profit de leur laine.

Mais les mains manquent dans plusieurs familles, le temps fait défaut. Que faire ? Alors envoyez votre laine aux manufactures. Il y aura une petite différence, mais la beauté, la durée de vos étoffes compensera; j’ose dire que la durée sera double, le bras le plus fort ne peut serrer autant qu’un levier mû à la vapeur.

Vous êtes un cultivateur à l’aise comprenant votre position, ennuyé du drap qui déchire et rougit malgré vous, vous désirez un habillement propre pour en faire vos beaux jours de fête. Vous désirez avoir un certain lustre que le métier de famille ne peut donner. Qui vous le donnera ? La manufacture qui vous donnera la couleur et le lustre voulu.

Dans certaines paroisses que je connais, c’est la grande mode, on se fait de ces habits d’hiver et d’été, tissus de la laine de son troupeau qui indiquent une grande propreté et une si belle aisance. Je ne voudrais pourtant pas me citer pour modèle, mais c’est mon habit ordinaire.

 

Le Canadien (Québec), 15 mai 1883.

La photographie de la gare de chemin de fer provient du site de la municipalité de Cap-Saint-Ignace.

Contribution à une histoire du costume, quand la machine remplace la mère et ses filles.

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