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En partance pour l’île d’Anticosti dans le golfe du Saint-Laurent

J B. Belanger capitaine

Depuis quelques jours, il règne au Havre une activité sur l’un des quais du bassin des yachts.

À côté du Valléda et du Némissis, les yachts célèbres des frères Menier, était mouillé un gros cargo-boat aux allures massives, avec sa machine tout à l’arrière et tous ses aménagements parés pour le fret.

Ce cargo-boat est le Savoy, le futur pionnier de la colonisation dans l’île d’Anticosti dont M. Henri Menier s’est récemment rendu acquéreur au prix de 800,000 francs, une bagatelle pour lui !

Le Savoy doit partir au premier jour, emportant à Anticosti un chargement complet de tout ce qu’il faut pour rendre habitable, suivant le confort moderne, un coin de terre isolé où ne fréquentèrent jamais que quelques pêcheurs canadiens.

M. Menier a des projets très curieux et très intéressants pour son île : 640,000 hectares de terre à l’embouchure du Saint-Laurent.

On a annoncé déjà que le gouverneur de l’île, choisi par M. Menier lui-même est M. Louis Commettant, le fils d’un confrère un peu bien oublié aujourd’hui et qui vit retiré près du Havre, à Montivilliers. M. Louis Commettant est déjà parti pour son île, emmenant avec lui toute sa famille, sa jeune femme et quatre jeunes filles.

Le chargement du Savoy comprend les choses les plus diverses : j’y ai remarqué notamment un petit chemin à voie étroite pour le ballast, ce qui indique l’intention du propriétaire de faire des routes là-bas. Il y a aussi des embarcations de différentes grandeurs, des fûts de provisions et de conserves, des fusils de chasse, des charrues, des palissades en fer et en treillis, de quoi organiser de la façon la plus confortable la maison du gouverneur et sans doute aussi celle qu’occupera M. Menier pendant trois mois de chaque année.

M. Menier a, en effet, l’intention d’aller passer trois mois chaque année dans son île pour s’y livrer à la grande chasse. Nul autre que lui n’aura le droit de chasser sur cette terre d’Anticosti. Il paraît que M. Menier a reçu d’innombrables demandes de gens désireux d’aller habiter là-bas sous sa protection. Mais personne d’autre n’aura ce droit sans autorisation spéciale du propriétaire d’Anticosti.

De plus, et c’est là un point très curieux, pour avoir droit de citoyen dans l’île, il faudra s’engager à ne jamais boire d’alcool et ne jamais chasser. On ne dit pas si M. Menier a également interdit l’usage du chocolat. Je ne le pense pas.

Le plan de colonisation du propriétaire d’Anticosti consiste en ceci : élevage des bêtes à fourrures, castor, renard bleu et zibeline; exploitation des forêts et agriculture en grand, la terre étant fertile : le trèfle et le sainfoin y poussent à l’état naturel.

Le Savoy reliera l’île à Québec, c’est-à-dire au continent, par un service régulier postal et commercial. Il mouillera habituellement dans un petit port que l’on est en train d’aménager dans la baie du Renard.

Enfin, et pour que la nouvelle trouve tout en état, on construit à Anticosti des maisons et une église.

 

Le Canada français (Saint-Jean-sur-Richelieu), 15 mai 1896.

La photographie de J. B. Bélanger, qui pilotait le Savoy durant les années Menier, est sur le site de la famille Comettant, qui porte en particulier sur Anticosti.

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