Témoignage sur la plus grande débâcle de la période historique (Premier de deux billets)
Le 24 avril, nous ne faisions qu’évoquer la débâcle printanière la plus catastrophique, celle de 1865 qui fit 28 morts.
Le journal La Patrie du 30 avril 1908 propose les dires d’un témoin de cet événement, Gilbert Brisset, habitant une des îles du Lac Saint-Pierre, l’île Dupas complètement inondée, comme les autres d’ailleurs, en 1865.
Quelques mois avant sa mort, survenue le 22 décembre 1898, le bonhomme avait raconté dans sa langue du terroir l’affreuse tragédie de l’Isle Dupas, qui, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, avait tranché neuf vies.
«Je vis, dit-il, avec ce souvenir constamment dans mon esprit et ne pourrai m’en départir qu’à ma mort.
«Peut-être en avez-vous entendu parler vous autres, ajoutait-il, de cette inondation de 1865, qui couvrit toutes les îles de Sorel, et engloutit tant de victimes.
«J’habitais alors l’Île Dupas avec ma femme, mon enfant et mes parents, dans une petite maison construite non loin de la rue.
«On était en avril et l’obstination des glaces à ne pas se désagréger en face de l’île, comme d’habitude, nous faisait craindre à tout moment d’être surpris par la débâcle.
«Ce que je prévoyais devait fatalement arriver, mais avec un résultat beaucoup plus effroyable que je ne pouvais me l’imaginer.
«Une nuit de fin d’avril, alors que nous étions profondément endormis, goûtant un repos bienfaisant après une journée de durs labeurs, nous fûmes tout à coup réveillés par un bruit étrange. C’était comme un concert d’appels, le chien aboyait, les vaches bêlaient, les chevaux hennissaient. En même temps, nous venait du dehors un bruit de marée montante, comme un choquement des vagues contre des obstacles qu’elles s’attachent à repousser.
«Je me fus vite enquis de ce qui arrivait en regardant par la fenêtre de ma chambre.
«Le fleuve n’avait pu briser ces barrières de glace et l’eau s’était précipitée en torrent de chaque côté.
«L’eau avait déjà atteint la porte d’entrée de ma maison lorsque je donnai l’alarme.
«Vous savez ce que c’est que de réveiller subitement une maisonnée qui sommeille, pour lui faire part d’un danger comme celui qui nous menaçait en ce moment.
«Ce fut d’abord la surprise à laquelle succédèrent bientôt la frayeur et des cris de désespoir.»
Suite et fin : demain.
Voir aussi ce qui s’est passé à Louiseville en 1865.