Le train pour Saint-Lin
Si vous habitez Saint-Lin, à 58 kilomètres de Montréal, et que vous devez voyager par train pour le travail dans la métropole, bonne chance. Un voyageur n’en peut plus d’arriver si tard chez lui le soir. La Patrie publie sa protestation le 10 mars 1903.
Accordez-moi la parole cinq minutes dans votre tribune libre pour dire à vos lecteurs qui auraient affaire à voyager sur la ligne de St-Lin, les désagréments et les ennuis qu’on y rencontre.
Disons d’abord que sur cette ligne il n’y a pas de train pour les voyageurs; la compagnie du Pacifique par économie ou par lésinerie a jugé bon de n’avoir pour le soir qu’un train freight auquel elle attache un char quelconque pour les voyageurs qui veulent s’y risquer, quitte à arriver à destination quand il plaira à la compagnie de les y rendre.
Le train pour St-Lin quitte Montréal à 5 ¾ heures de l’après-midi et il n’arrive ordinairement à St-Lin que vers les 9 heures. Or la distance de la gare Viger à St-Lin n’étant que de 36 milles, les voyageurs ont à languir dans les différentes stations sur cette ligne; c’est dire tout simplement que la Compagnie ne s’occupe pas plus des passagers que de l’homme qui est dans la lune. Durant tout le mois de février dernier, elle a laissé attendre le char des voyageurs durant deux heures à la station Ste-Thérèse pour prendre le temps de conduire un train de fret à St-Eustache.
Avec un pareil service, la compagnie décourage tous ceux qui ont affaire à cette ligne et tue tout progrès dans ces localités. Autrefois, quand cette ligne avait moins d’importance, elle était moins mal desservie qu’aujourd’hui.
Pourtant il nous semble qu’avec un peu de bonne volonté, il serait assez facile d’établir un service plus satisfaisant; il suffirait d’en revenir à l’ancien règlement. Quand les chars quittaient Montréal pour arriver à St-Lin à 7 ¼ heures, cet arrangement était raisonnable et tous les gens étaient satisfaits. Nous ne demandons pas un train exclusivement pour les passagers, non, mais ce sont des heures plus convenables et plus de régularité dans les heures d’arrivée.
Nous demandons qu’on ne traite pas les passagers comme des colis et des bagages, qui ne sont pas pressés d’arriver. Nous demandons qu’on traite le monde comme du monde. Nous n’aimons pas à nous plaindre au moindre dérangement éprouvé sur la route. Mais quand les compagnies oublient trop les progrès de la civilisation du 20e siècle, nous nous permettrons d’en dire un mot dans les journaux.
Un voyageur.