«Je l’ai rencontrée et je n’en suis pas revenu»
En 2009, Isabelle Dubois, un copine de France, me faisait parvenir une œuvre de l’écrivain Jacques Poulain — pas notre Jacques Poulin, Européen celui-ci. L’homme, disparu à 46 ans, s’attardait à décrire son amour, ses amours peut-être, dans des carnets, par petits traits. En 1998, la maison d’édition Sulliver, au catalogue original, ayant pignon sur rue à Arles, en Provence, publie le produit de ces carnets sous le titre Volontiers je la décrirais. Extraits.
Ce que j’aime, c’est non seulement sa beauté, mais aussi dans cette beauté, telle imperfection qui la rend émouvante.
Toute ce que tu es me chante.
Ce que tu es chante en moi.
Quand je dis qu’elle est belle, quelle vérité ai-je vue en elle, moi qui veux souscrire à l’aphorisme de Plotin : «le beau est la splendeur du vrai» ?
La véritable chasteté est dans l’érotisme : discernement, non attachement, attention, liaison, offrande et maîtrise.
Dans la jouissance : la femme crie parce qu’elle accouche de son propre corps. L’homme crie parce que la femme l’accouche — mais ici, non plus de son corps, mais de son cerveau.
Livrée et délivrée.
J’aime ces instants partagés, denses quoique légers. (Et l’oubli les habillera avec exactitude.)
Et aussi l’amitié dans l’amour.
Pas une amitié qui se répand mais celle qui respecte.
Et la tendresse. Non celle qui rassure, mais celle qui permet.
Les gens qui ont tout oublié ou qui n’ont jamais rien su de ce qu’est l’amour, disent qu’il rend bête. C’est qu’il nous lave de tout fard et nous rend à la nudité de l’enfance. Les adultes ont toujours pensé que l’enfant était bête. Cette «bêtise» première, c’est l’étonnement.
Les grandes crues de son corps.
Je l’aimerai d’un amour insomniaque.
Un beau jour, je l’ai rencontrée.
Je l’ai rencontrée et je n’en suis pas revenu.
Elle se laisse rouler par des vagues et des vagues jusqu’à la vague électrique, puis de nouveau toutes les vagues de la mer, les vagues, jusqu’à la vague électrique, et encore la mer, jusqu’à la foudre.
J’entre chez elle. Elle ne dit rien mais me regarde intensément. Elle me prend par la main, m’entraîne vers le lit, s’agenouille et retrousse sa robe. Elle est nue dessous.
«Prends-moi» dit-elle. J’en ai les larmes aux yeux.
Nos désirs s’entremangent.
Merci, chère Isabelle, de ce cadeau magnifique.
Et à nous toutes et tous, bien sûr que nous reviendrons à ce livre.