«Comme un désir d’éternité qui repose en toute chose»
J’attrape Les états du relief d’Hélène Dorion. Un ouvrage épuisé, nous dit la page Wikipédia qui lui est consacrée. Chants d’amour. Je m’enlève du chemin.
Ce jour
comme un désir d’éternité
qui repose en toute chose
ce dénuement vers lequel je vais
quand je murmure — mon amour
et me laisse éroder
par la douceur d’une seconde
penchée sur la durée
Retiens-moi dans ce corps
qui m’apprend à vivre
les ombres sans appui
disséminées sous la chair
tes mains avancent encore
dans le jour fragile
je retrouve une âme
qui délivre la vie
Sans autre visage
que le tien devant moi
la vie tremble
et n’a d’autre réponse
que ces feuilles mortes
avalées par la terre
pour me retenir encore
aux quelques particules
qui nous sont confiées
Une impression sans cesse répétée
de se connaître depuis longtemps
bien plus longtemps que ces quelques heures
complices dans le soir
nos mains se lient l’une à l’autre
je pense à la beauté d’être là, à cette douceur
d’un geste amorcé
Quelqu’un s’approche
qui me dit : — je n’ai pas oublié
le murmure de la pluie, un train immobile
dans la clarté brutale de la lune
des mots comme une brèche
repoussent plus loin la menace
Et cela arrive : grâce, beauté, tendresse
Nous allons tout réapprendre
Hélène Dorion, Les états du relief (Le Noroît/Le Dé bleu, 1991).
(Tellement Beau et intense, je garde silence et savoure…)
C’est bien vrai. On emmagasine en silence le bonheur que ces mots nous donnent.
«Retiens moi dans ce corps qui m’apprends à vivre». Justement, parlant de lenteur et de lumière. Et d’ombres aussi.
Merci Jean!
Est ce possible que votre poésie nous rende meilleurs?
Je trouve vraiment que la poésie apaise, chère Silvana, lorsqu’elle n’est pas trop, comment dire, déglinguée. Ou plutôt, dirais-je, plus justement, dure à suivre. Car il s’en trouve de bien hermétique.
Ah Ah! C’est vrai! J’ai longtemps été réfractaire à la poésie car je n’y comprenais rien. Je mettais la faute sur un manque de grandeur d’âme sûrement!
Depuis, j’ai découvert ces doux poètes des temps anciens que vous nous présentez sur votre site. Ils m’ouvrent un univers nouveau et bizarrement que j’ai l’impression de connaître depuis toujours.
Je vais revenir très bientôt avec un nouveau billet sur Alphonse Piché que j’aime beaucoup.
» Ce qui débarrasse de tout ennui ce monde, où il est difficile de vivre, et projette sous vos yeux un monde de grâce, c’est la poésie… « .
Tiré de » Oreiller d’herbes « , paru en 1987 aux Éditions Rivages
Auteur : Sôseki 1867-1916
Bravo !
Merci Ode. C’est si vrai; je vais passer chez mon bouquinier pour ce titre.