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Les marins russes aiment gagner le Japon pour se faire tatouer

Tatouage au JaponAujourd’hui, au Québec, comme ailleurs en Amérique du Nord, le tatouage est très à la mode. Mais les temps ont bien changé. Allez, retournons plus de cent ans en arrière et accompagnons les Russes partis se faire tatouer au Japon.

On sait que l’habitude du tatouage est très répandue dans la plupart des marines, beaucoup de marins français portent sur le dessus de la main une ancre entre le pouce et l’index, d’autres ont une bague avec chaton tatouée à l’annulaire de la main gauche, et leur avant-bras droit porte en général un attribut maritime quelconque, mais cet usage n’existe guère que parmi les hommes de l’équipage, et les officiers ne l’ont point adopté; ajoutons qu’il est aujourd’hui absolument défendu dans la marine de guerre.

Il en est autrement dans la marine russe. Si l’on rencontre parmi les matelots des tatouages mal exécutés et informes, par contre les officiers s’adressent à des artistes en la matière et leurs tatouages ont atteint un degré de perfection admirable.

L’opération n’a pas lieu en Russie ni à bord des bâtiments, mais au Japon. Tous les officiers russes ont fait quelques voyages dans les mers de Chine, et les relations entre Vladivostok et Nagasaki sont continues.

Près de Nagasaki est une petite île appelée Inassa, où la vie russe s’est peu à peu implantée. […] C’est dans cette île que les tatoueurs japonais exercent leur art sur la peau des marins russes. Ils y ont acquis une réelle réputation, et matelots et officiers lorsqu’ils vont à Inassa mettent à contribution leur habileté. […]

Pour un dessin compliqué, l’exécution dure pas moins de deux heures et il faut, chez le sujet, qui subit ce genre de tatouage, une immobilité complète et une grande force de résistance, car l’opération est très douloureuse et le sang coule abondamment. Le prix du supplice change selon l’importance du sujet choisi et est débattu avant l’opération; il varie d’une à deux piastres mexicaines, monnaie la plus employée à Inassa. […]

Les tatoueurs agissent […] avec prudence et interrogent leur victime sur son tempérament, avant de manœuvrer le faisceau d’aiguilles, et jamais ils ne se sont laissés tenter par l’appât du gain lorsqu’ils avaient affaire à un scrofuleux.

On constate cependant un ralentissement dans l’usage du tatouage dans la marine russe. Les relations plus fréquentes avec les autres marines, les stationnements moins longs et moins rapprochés à Inassa — car cette sorte de colonisation russe d’une île japonaise avait inquiété l’Angleterre et les États-Unis et amené le gouvernement japonais à prendre des mesures pour la restreindre — ont atténué l’engouement des jeunes officiers; toutefois, l’usage persiste encore.

 

La Patrie, 19 janvier 1904.

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