Souvenir de la présence des Patriotes de 1837-1838 à la prison de Montréal
Le samedi 11 novembre 1905, le quotidien La Patrie nous offre une visite de la prison de Montréal et rappelle le passage des tout premiers prisonniers, les Patriotes de 1837-1838. Extraits.
Bâtie en 1838, au moment où le soulèvement des patriotes s’étouffait dans le sang, la prison de Montréal n’a rien du confort des maisons de détention plus modernes. Ce n’est que grâce à des soins continus que le vieil édifice tient encore debout. Le système de chauffage laisse beaucoup à désirer, aussi bien que l’éclairage et la ventilation.
Nous voyons d’abord la grande cour où sont occupés les prisonniers qui cassent la pierre. Ce sont les journaliers, ceux qu’on ne peut employer à aucun métier et ils représentent près de là moitié des prisonniers (1707 sur un total de 3549).
Les prisonniers travaillent à petits coups, sans se presser. Le visiteur qui passe est l’objet d’une vive curiosité et les gardes donnent des avertissements aux flancheurs qui se retournent.
Dans cette cour, en arrière du bâtiment principal se trouve le carré où se dresse l’échafaud le jour des exécutions. Notre gravure montre cet endroit marqué d’une croix. [Malheureusement, la pauvreté de l’image ne permet pas de voir clairement cet emplacement tout en bas, à gauche.]
Puis, à l’intérieur, terminant sa visite, le journaliste s’arrête au registre de la prison et s’attarde à la mention des Patriotes qui y ont perdu la vie.
On nous montre le livre d’écrou où sont inscrits tous les prisonniers au fur et à mesure de leur arrivée. Le nom, la profession, la religion et la nationalité sont inscrits sur ce livre en regard de la condamnation.
Puis nous jetons un coup d’œil sur le livre où sont inscrits les condamnés à mort. Les premiers sur la liste sont ceux qui ont souffert pour la liberté de leur pays et, en tête, nous voyons les noms de Joseph Narcisse Cardinal et de Joseph Duquette, les deux premières victimes. Ils furent pendus le 21 décembre 1838. Puis viennent les autres, J. Jacques Robert, François-Xavier Hamelin, les deux frères Ambroise et Charles Sanguinet et enfin Decoigne, qui montaient sur l’échafaud le 18 janvier de l’année suivante. Mais la liste ne se termine pas là; le 15 février, Narbonne, Nicolas, Daunais, Hindelang et le dernier Marie Thomas de Lorimier venaient clore cette liste.
Tous ces noms sont écrits à l’encre noir dans le terrible registre et, en face de chaque nom, dans la colonne marquée «Crime», on voit le mot «Patriote».
Ce fut, en effet, le seul crime qu’on leur puisse reprocher, celui d’avoir trop aimé leur pays.
La liste porte ensuite les noms de ceux qui sont morts sur l’échafaud, pour divers crimes, liste de honte qu’il vaut mieux ne pas citer après cette liste de gloire.
Où se trouve aujourd’hui ce registre ? Qu’en est-il advenu ? En mai de chaque année, lors de la fête des Patriotes, ce livre précieux de notre histoire devrait être accessible au public dans les locaux de la Bibliothèque nationale du Québec dans le Vieux-Montréal, posé sur une nappe blanche, ouvert à la page des Patriotes. Et pourquoi à ce moment ne pas permettre à la population de défiler devant ce document unique, rendant alors hommage à ceux morts pour la liberté ?
La mémoire, la mémoire !
Est-ce que tous les patriotes arrêtés à cette époque ont tous été envoyés à cette prison ou existait-t-il d’autres prisons pour les recevoir lors de leur arrestations?
Le meilleur ouvrage, chère Madame, est celui de Gilles Laporte, Brève histoire des Patriotes, Québec, Septentrion, 2015, 370 pages. Laporte ne parle que de la prison du Pied-du-Courant.