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La grande misère

la misere affreuse

La misère est bien grande dans une ville comme Montréal en 1900. Et il serait oiseux de chercher à la graduer. Celle de l’enfant est-elle plus grande que ce que vit la mère monoparentale et ses nombreux marmots, ou le journalier chômeur six mois par an ? Et que vivent les vieillards plongés dans la pauvreté ? À qui tout ce monde peut-il s’en remettre ? On oublie qu’on ne connaît encore aucun programme d’aide public.

À l’occasion, la presse sonne l’alarme. Les communautés religieuses et les organismes communautaires cherchent bien à être d’un certain secours. Mais cette misère est si grande.

Ici, le quotidien La Patrie du 12 novembre 1903 fait sa une avec le drame de personnes âgées.

À l’approche de la saison rigoureuse, combien de familles se trouvent dans la souffrance et l’abandon ! Il serait curieux de faire aujourd’hui la statistique de la misère, surtout dans les grands centres. Elles sont malheureusement fort nombreuses les infortunes qu’une charité discrète soulage, mais ne dévoile pas. C’est à cette époque de l’année surtout que le rôle de nos institutions de bienfaisance prend plus d’importance.

Hier après-midi, un représentant de «La Patrie» s’est rendu au refuge de la Société de Protection des Femmes, des Enfants et des vieillards, No 321 rue Dorchester, où il a rencontré le secrétaire gérant de la nouvelle société de protection des vieillards, des femmes et des enfants, M. A. Rivet.

— Veuillez me suivre, dit M. Rivet, et vous allez avoir une idée du bien que nous sommes appelé à faire.

Après quelques minutes de marche, nous arrivions au No 10 de la rue St-Christophe, où nous fûmes reçu par une voisine. Sur un misérable grabat gisait une vieille de 75 ans, Mme Alphonse Brais. La figure émaciée, les yeux hâves, tout chez elle indiquait la douleur et les privations, C’était un véritable squelette vivant.

M. Rivet lui ayant dit qu’il viendrait la chercher dans la soirée pour l’amener au refuge où on lui donnerait de bons soins, elle dit d’une voix chevrotante :

— Laissez-moi donc mourir tranquille. Je souffre et je sens que je m’en vais.

Puis elle raconta qu’elle était seule avec son mari. Celui-ci est un joueur de violon et, depuis plusieurs semaines, il était malade au lit, de sorte que tous deux seraient morts de faim, sans la charité des voisins.

Pendant ce récit entrecoupé de sanglots, l’on entendait des gémissements continus venant d’une chambre voisine.

— Qui se plaint ainsi ? demande notre reporter.

— C’est mon mari, dit la pauvresse.

L’on pénètre alors dans une espèce de taudis obscur où règne la plus grande confusion. Un homme étendu sur une couche pitoyable gémit. Il paraît tout à fait inconscient. S’étant assis péniblement sur son lit à notre arrivée, il insiste pour qu’on le laisse là encore une journée. M. Rivet, cependant, décide qu’il ne serait pas humain de laisser plus longtemps ces malheureux dans une condition pareille.

On s’en va ensuite frapper au No 129 de la rue Craig, tout près de la rue Plessis, et on assiste à un autre spectacle douloureux. Une vieille femme est assise, grelottante, près d’un poêle, étant dans une espèce de hangar, aux murs non lambrissés. Les vitres de la porte d’entrée sont brisées et le vent pénètre dans ce triste réduit.

Deux lits, trois ou quatre chaises boiteuses constituent tout l’ameublement. Tout indique la détresse et le dénuement.

— Mon mari, dit la bonne femme, était autrefois charretier, mais il est actuellement incapable de travailler. Son nom est Ls. Mainville. Il est allé quêter à l’heure qu’il est. Il mendie ainsi que ma fille, âgée de 50 ans. C’est comme cela que nous vivons.

— Eh ! bien, vous aurez ce soir un bon gite, dit M. Rivet. Je vous amènerai au refuge où il y a du feu, des lits blancs et des aliments. Vous ne mourrez pas dans cette situation.

La pauvre femme remplie de joie ne cessait de remercier son bienfaiteur.

Il y a actuellement 47 pensionnaires au refuge. Dans le mois d’octobre seulement, il y a eu 271 demandes d’admission. Seulement, dans bien des cas, les soi-disant abandonnés ont des parents qui peuvent prendre soin d’eux, de sorte qu’on les renvoie.

chez madame braischez madame mainville

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