En 1886, oublions l’idée de nous présenter à des élections à Trois-Rivières
Quand surviennent des élections à Trois-Rivières, une ville à mi-chemin entre Québec et Montréal, sur la rive nord du Saint-Laurent, c’est l’occasion pour les matamores de se livrer à leurs exercices habituels.
Nous voici aux élections municipales de l’automne 1886. La Gazette de Joliette du 22 octobre 1886, repiquant un texte du Journal des Trois-Rivières, nous l’offre sous le titre «Le règne des assommeurs».
Le système de la violence organisée établi par les partisans de M. Turcotte a produit les résultats que l’on pouvait prévoir. Pendant les trois ou quatre dernières nuits qui ont précédé la votation, la circulation est devenue presque impossible.
Des citoyens respectables ont été injuriés et assaillis et M. le Maire de la cité lui-même, l’honorable M. G. H. Mailhot, a failli être assommé au cœur de la ville.
Voulant constater jusqu’à quel point les patrouilles organisées par M. Turcotte interrompaient la circulation, l’honorable M. Mailhot est sorti dans la soirée de mercredi avec deux ou trois amis.
Il avait à peine traversé de la rue des Forges à la rue St-George, pour retourner chez lui, qu’une bande d’hommes armés de bâtons était déjà à sa poursuite en vociférant. Un instant après, le groupe de perturbateurs ayant atteint le nombre de cent cinquante environ, on se crut en état pour l’attaquer sans représailles et toute cette meute se précipita sur M. Mailhot qui continuait son chemin.
Pour ne pas être frappé en arrière, M. Mailhot fit courageusement face aux assaillants bien qu’il fut sans armes et sans aucun moyen de protection. Tous se ruèrent sur lui et le frappèrent à coups de bâton en pleine figure jusqu’à ce qu’il s’affaissât tout couvert de sang et à peu près privé de connaissance.
Ce fut avec beaucoup de peine et sans recevoir de graves contusions que deux ou trois amis de M. Mailhot purent l’arracher des mains des assaillants et le transporter dans une maison voisine.
M. Mailhot n’a dû qu’à se forte constitution de ne n’avoir pas été assommé, car il a reçu sur le front trois ou quatre blessures de plusieurs pouces de longueur et qui attestent de la violence des coups.
Voilà un acte de sauvagerie qui doit être flétri par tous les citoyens amis de l’ordre, et qui est une nouvelle tache pour la cause qui a produit de tels résultats.
Dans ces circonstances, le devoir des autorités municipales est tout tracé. Elles doivent au respect de l’ordre et de la tranquillité publique de prendre des mesures immédiates pour faire arrêter non seulement les auteurs de cet assaut, mais aussi tous ceux qui, en dépit des lois, ont parcouru les rues en groupes armés de bâton pour troubler la paix.
Nous comptons qu’elles l’accompliront avec l’énergie qu’on est en droit d’attendre d’elles.
Il faut que de toute nécessité que le système de terrorisation, inauguré en 1881 et continué cette année avec des résultats que nous venons de signaler, soit vigoureusement réprimé.
L’histoire sera la même dans le comté de Trois-Rivières lors des élections fédérales à en février 1887.
Pour les personnes intéressées, il faut savoir que mon maître Jean Hamelin et son frère Marcel, lui aussi historien, ont publié en 1962, aux Éditions du Jour, à Montréal, l’ouvrage Les Mœurs électorales dans le Québec de 1791 à nos jours. Le livre est épuisé, mais je le vois passer régulièrement chez les bouquinistes et on peut assurément le trouver sur internet.