Au lendemain d’une bonne tempête
Bien sûr, comme aujourd’hui, après un événement climatique important, les lecteurs d’hier aiment savoir ce qui s’est passé ailleurs et quels propos on tient. La Patrie du 6 septembre 1898 raconte.
L’ouragan de dimanche ne sera pas oublié de si tôt. Il a causé des dommages considérables dans maints endroits, mais, comme au fond de tout mal il y a toujours un bien, il s’est contenté dans plusieurs localités de rafraîchir la température embrasée et, si le vent a soufflé en violence, il avait au moins le mérite de chasser les nuages sombres et de porter plus loin l’orage et la foudre.
Et comme à Montréal, à Vaudreuil, quelle pluie rafraîchissante nous avons eue.
Ailleurs, l’éclair sillonnait en tous sens le firmament abaissé, obscurci par des nuages opaques. La foudre éclatait avec fracas, où longuement, avec des bruits répercutés par l’écho affaibli, comme pour ménager davantage ses effets de mise en scène et pour se montrer dans toute sa superbe force au moment voulu.
Les correspondances qui nous arrivent de différentes parties de la région nous annoncent les effets désastreux de la foudre et de l’ouragan.
À Boucherville, la tempête a éclaté alors que les fidèles assistaient à l’office des vêpres; tout à coup, un fracas terrible, et l’on aperçut comme une boule de feu traçant sa route sur le mur de l’église et allant disparaître dans la sacristie. M. le curé Primeau, qui se trouvait dans l’une des stalles du chœur, ressentit une violente décharge électrique, ainsi que M. le vicaire qui officiait.
Durant cette minute suprême, M. J. A. Morin, qui dirigeait les enfants de chœur, se sentit des bourdonnements multiples dans les oreilles; le chant fut subitement arrêté et ce n’est qu’après que le calme fut rétabli que l’office put continuer. M. le curé demanda alors à ses paroissiens de remercier la Providence de les avoir épargnés. […]
On mande de Louiseville que cette localité a été visitée dimanche dernier par une forte tempête qui a causé d’assez grands dommages. Plusieurs arbres ont été déracinés. Auprès du lac St-Pierre, la grêle s’était mise de la partie et les moissons qui étaient encore sur le champ ont eu beaucoup à souffrir. […]
À Lanoraie, l’ouragan a causé des dégâts assez considérables. La grande croix du cimetière a été renversée et mise en pièces; des granges et des hangars ont perdu leurs toits, des clôtures ont été démolies et des arbres déracinés. Le ciel était devenu noir comme de l’encre, le tonnerre tonnait avec fracas et des éclairs sinistres sillonnaient le firmament. Le vent soufflait le sable des dunes et des coteaux, balayant tout sur son passage. Les plus gros arbres étaient secoués et tordus comme des brins d’herbe. […]
Tous les pilotes arrivés dans le port, en charge de navires avant-hier, s’accordent à dire que la tourmente de l’après-midi de dimanche a été la plus forte depuis nombre d’années. Le vent a surtout été ressenti entre Sorel et Verchères.
M. le pilote Ferdinand Labranche, qui était à bord du Merrimac, de la ligne Elder-Dempster, déclare que, pendant une expérience de 36 ans, il n’a jamais eu à faire face à un pareil déchainement des éléments.