Un journaliste américain séduit par le Québec français
Charles M. Peffer, journaliste à l’Evening Star de Washington, de retour chez lui, écrit au journal La Patrie pour livrer «les impressions de son séjour dans notre province, parmi notre population française». Le 6 septembre 1898, le quotidien montréalais fait écho à sa lettre et lui donne la parole.
Il a été frappé tout d’abord du caractère personnel que notre race a conservé sous la domination britannique, de la permanence de nos vieilles mœurs françaises, de nos traditions et de notre langue et il reconnaît que l’assimilation n’a pu faire de travail chez nous […] Laissons la parole à notre confrère de Washington et traduisons :
«Un des moyens de conservation d’une langue repose dans sa littérature et dans ses journaux. […] Plusieurs journaux de Québec et de Montréal sont des organes d’une valeur peu ordinaire. Ils dirigent les aspirations et orientent les efforts des Canadiens-français. On ne peut comprendre parfaitement la politique, la situation économique et la vie sociale de la province de Québec si on ne lit que les journaux anglais. Ils n’interprètent pas les sentiments et ne reflètent pas la pensée de la majorité de la population.
«Je remarque aussi que la correspondance parisienne des feuilles canadiennes-françaises est plus complète et plus régulière que les correspondances de Londres publiées dans les journaux anglais. La vérité est que le vrai Canadien, qu’il soit Français, Anglais, Écossais ou Irlandais, se soucie peu de ce qui se passe dans la capitale d’Angleterre. Il peut entretenir et professer des sentiments de loyauté, mais cela n’affecte en rien son indépendance en tant qu’individu.
«Au contraire, ce qui se produit en France, quoique que cela ne peut avoir d’importance politique ici, ni influence sur la région qu’il habite, intéresse le Canadien-français…….
«Tant que cela durera, ce que fut la Nouvelle-France, ce qui est aujourd’hui la province de Québec continuera d’être un obstacle à l’anglicisation du Dominion. Le plan le plus intelligent à suivre semble être celui qu’ont suivi les hommes d’État anglais. Puisque l’Angleterre est satisfaite de l’allégeance de la colonie à l’Empire, puisque Québec, comme partie du Dominion, est satisfait des institutions britanniques qui lui donnent la sécurité et la paix, la différence de langage n’est pas suffisante pour qu’on tente un bouleversement.
«Même il n’y a pas lieu de se demander si, dans un avenir éloigné, l’évolution fera disparaître la langue française. Si cela se produit jamais, Québec cessera d’être la partie la plus intéressante du Canada.»
Ci-haut, un des bronzes du socle du monument Honoré-Mercier sur la pelouse de l’hôtel du Parlement, à Québec