«Le liseron»

L’avocat et archiviste Édouard-Zotique Massicotte, on l’ignore souvent, s’est beaucoup intéressé à la botanique. Lorsqu’un espace lui est accordé dans les pages d’un journal, il aime y aller d’une chronique sur une plante.

Le voici dans La Patrie du 2 septembre 1898 sur le liseron.

La calystégie que l’on nomme encore gentiment dans le langage du peuple : «clochette», «chemise de Notre-Dame» ou «liseron des haies», est une plante qui ne saurait manquer de conquérir votre amitié, tant elle est simple, belle et gracieuse.

Entre Ste-Geneviève de Batiscan et Ste-Anne de la Pérade [municipalités sur la rive nord du Saint-Laurent entre Trois-Rivières et Québec], dans la commune, le long d’un bois, j’en ai vu qui s’étaient enroulées autour de nombreuses tiges d’herbes Saint-Jean [Armoise vulgaire, Artemisia vulgaris], hautes de cinq à six pieds [près de deux mètres], et qui avaient réussi à les dominer et à offrir à nos regards reconnaissants leur blanche corolle monopétale, d’une beauté simple de pauvresse qui offre tout ce qu’elle a, sans apprêts, sans colifichets, sans atours extraordinaires.

Je les aimai ainsi. Il était six heures du soir, et de voir ces fleurs blanches rosées, d’une splendeur de chair, épanouies au-dessus des armoises, à tiges rougeâtres, aux panicules grises, au pied des arbres aux rameaux touffus et déjà assombris par le déclin du jour, je ne pus m’empêcher de les contempler tendrement.

Mon imagination m’entraînait vers les domaines de la poésie et les muses qui semblent m’avoir abandonné, pour rechercher d’autres amants plus fidèles, semblaient être revenues et décidées de se laisser faire la cour à nouveau.

«Une large paix baignait les champs et le parfum qui s’élevait dans l’atmosphère me suggérait que les herbes font ainsi leur prière dans le soir tranquille.»

Les photographies sont prises dans le jardin botanique de mon ami René.