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«Joe Vincent n’est plus»

joseph vincentJ’ai parlé à quelques reprises de Joe Vincent, héros en son temps, aujourd’hui tout à fait méconnu. Je me suis même demandé comment il se fait qu’à ce jour, la Ville de Montréal n’ait jamais rendu hommage à cet homme.

Le quotidien montréalais La Patrie du 9 mai 1902 célèbre sa mémoire, à la une, à l’occasion de son décès à 64 ans.

Le brave batelier que tout le monde a connu et estimé, Joe Vincent, est mort subitement hier matin, à sa résidence, 135 rue du Bord de l’eau.

Cette mort a causé une grande surprise, attendu que la santé du vieux batelier paraissait florissante. Joe Vincent était doué d’une constitution robuste et qui semblait devoir défier longtemps encore les années et les maladies. Et voilà que la mort vient le coucher dans son tombeau.

C’est une personnalité qui disparaît de la scène; c’est un homme de cœur et de courage qui a passé sa vie à accomplir des sauvetages, à arracher de l’onde de nombreuses victimes. Ses exploits fréquents l’ont rendu justement populaire et lui ont valu de nombreuses décorations. La croix d’honneur brillait sur cette robuste poitrine.

Le batelier, tout occupé qu’il fut pendant la belle saison à louer ses chaloupes en face de la Place Jacques-Cartier, et à surveiller les imprudents canotiers qui s’aventuraient sur le fleuve pendant les tempêtes, ne détestait pas de parler de politique. On assure qu’il était même un organisateur d’élection de première force. Les conservateurs ont eu souvent recours à lui pour gagner des batailles électorales.

Joe Vincent avait voué un culte profond pour les grands chefs Cartier et Chapleau. Il avait aussi une grande admiration pour l’illustre patriote Honoré Mercier.

Le gouvernement lui donna une position sur les quais, où il eut souvent l’occasion de faire respecter l’ordre.

Quand la garnison anglaise stationnait à l’île Ste-Hélène, il était le favori des officiers qui lui ont laissé de nombreux souvenirs qu’il conservait religieusement chez lui.

Il faudrait tout un volume pour raconter les exploits accomplis par le brave homme qui dort maintenant son dernier sommeil.

Rappelons l’émouvant sauvetage qu’il fit, il y a sept ans. Deux radeaux de bois dévièrent et allèrent se briser en pièces contre l’un des piliers du pont Victoria, pendant une violente tempête qui s’était déchaînée sur le fleuve. Une trentaine de personnes se trouvaient dans le plus grand danger de périr.

Joe Vincent ayant eu vent du naufrage appela ses hommes : Allons, mes enfants, vite volons au secours des naufragés du radeau.

Et il sauta dans une chaloupe.

Électrisés par son exemple, ses hommes en firent autant.

La lutte contre les flots en courroux et le vent qui soufflait en tempête fut rude, mais Joe Vincent et ses vaillants canotiers réussirent à sauver la vie des naufragés.

Pendant l’automne de 1892, deux frères du nom de Williams qui arrivaient d’Angleterre traversèrent à l’île Ste-Hélène, mais ils manquèrent le dernier bateau. Désirant à tout prix revenir à Montréal malgré l’obscurité et une violente tempête, [ils] sautèrent dans un canot et firent force de rames du côté de la ville. Le vent, comme il était à craindre, fit chavirer la frêle embarcation.

Les frères Williams parvinrent cependant à se cramponner. Joe Vincent qui veillait, entendant des cris, des appels au secours partant des profondeurs de l’obscurité, n’hésita pas une minute. Il sauta dans une chaloupe et les ramena sur les quais.

Joe Vincent est mort à l’âge de 64 ans. Il était célibataire.

Ses funérailles auront lieu samedi.

M. Vincent a aussi été un bienfaiteur des pauvres. C’est lui qui a fondé, avec l’abbé Rousseau, l’hospice St-Charles, près de l’hôpital Notre-Dame, où une cinquantaine de vieillards étaient hébergés en permanence.

Le défunt laisse une fortune considérable.

 

Voir ici d’autres billets sur Joe Vincent.

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