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«Le paysan canadien»

habitant paysan allumant sa pipeLa Gazette de Joliette du 5 septembre 1889, sans préciser qui est ce «M. Fortier» qu’elle cite, y va de ce portrait du paysan du Québec.

M. Fortier a tracé dans la Nouvelle Revue un portrait du paysan canadien que l’on devine esquissé d’après nature. Dans les phrases de M. Fortier, dans ses mots, on croit retrouver le tour et l’accent qui étaient ceux du parler de la France il y a deux siècles, Et rien n’est plus doux que d’entendre dans cette pure langue française d’autrefois chanter une profonde sympathie pour la France d’aujourd’hui.

M. Fortier nous montre d’abord le paysan canadien chez lui.

C’est à la maison, dans ses travaux, dans sa manière de vivre, que le paysan canadien révèle la grandeur de son caractère : caractère assez complexe, tenant à la fois de celui du Français, du Sauvage et de l’Anglais. Nos pères transportés du pays de France aux rives incultes du Saint-Laurent ont conservé les mœurs et les croyances de la mère patrie.

Par leur contact incessant avec les Peaux-Rouges d’Amérique, ils ont pris le goût des aventures qui est la marque distinctive des coureurs de bois. Plus tard, lorsque l’Anglais planta son drapeau sur nos citadelles livrées par une inqualifiable lâcheté, il communiqua sa froideur à nos pères.

L’habitant de nos campagnes canadiennes est ordinairement un homme sobre, économe sans être avare, et d’une honnêteté proverbiale. Il n’a point de faux orgueil, et ira à la messe d’un pantalon fait d’une étoffe grossière fabriquée dans sa propre maison, et portera une chemise tissée avec les produits de sa terre. Ses bottes seront de cuir tanné et un chapeau à large bord défendra son front contre l’ardeur du soleil.

Sa maison est en bois, à un seul étage avec pignon couvert en bardeaux. Tous les printemps, il la blanchit avec de la chaux, ce qui lui donne un caractère de propreté que l’on ne rencontre guère dans les autres pays.

L’ameublement en est très simple : des lits en bois, quelques chaises, un buffet, une huche, un métier, un rouet, le coffre traditionnel où s’asseyent les jeunes amoureux. Le mur est orné d’un crucifix au pied duquel tous les soirs la famille s’agenouille et fait la prière. À côté du crucifix est un calendrier diocésain.

M. Fortier nous dit aussi les occupations, les jeux, les chansons des paysans du Canada, il nous conte leurs légendes. Après avoir lu son étude, personne certes ne contredira au jugement qui la termine.

Le Canadien, grâce à des instincts généreux et patriotiques, n’oublie pas sa mère patrie : c’est le seul peuple qui, sous une domination étrangère, ait su, non seulement conserver, mais encore faire reconnaître légalement sa religion, sa langue et ses coutumes.

* * *

Cet article est d’abord paru dans La Patrie (Montréal) le 26 août 1889.

Mon cher ami Claude, grand fouilleur, auquel aucun secret ne résiste, me renvoie au travail d’une dame universitaire du nom de Nathalie Ducharme, qui nous dit que ce Fortier né à Québec en 1870 a pour prénom Auguste, et que le portrait de ce paysan canadien aurait été publié, deux ans après sa classe de rhétorique, dans La Revue de Paris.

Merci beaucoup, cher Claude.

Par ailleurs. j’ignore tout de ce Lamberet, l’auteur de cette aquarelle jolie qui apparaît en tête de ce billet, et que j’avais trouvée il y a bien une quarantaine d’année dans le fond d’une vieille boîte de carton chez un antiquaire aujourd’hui disparu.

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