Parlons crèches
Dans le journal suisse Le Temps, du 17 décembre dernier, Rinny Gremaud proposait une réflexion fort intéressante sur les crèches, sous le titre «Les crèches à l’épreuve de la laïcisation». Avec de légères variantes, le quotidien montréalais Le Devoir publiait l’article de Gremaud dans son édition du 22 décembre sous le titre «Les crèches résistent… même à l’athéisme». Extraits.
Dans la région genevoise, les crèches ne s’étalent pas sur les places publiques ou les églises, contrairement aux terres catholiques, où elles sont partout durant décembre. Chez les protestants, les crèches nichent dans l’intimité des familles. Parce que la révolution protestante a fait du foyer le lieu principal de la piété, explique le théologien Daniel Marguerat. «C’est l’une des grandes conquêtes de la Réforme d’avoir ramené la célébration de Noël à domicile.»
«Les crèches mettant en scène la naissance du Christ, ont été conçues comme outil de catéchèse populaire par saint François d’Assise.» Un outil si formidable qu’il a survécu à la Réforme : «Dans un premier temps, les crèches ont disparu avec la mise au ban de toute représentation imagée de la religion, en particulier des saints. L’idée de la Réforme était de supprimer les intermédiaires entre les croyants et le Sauveur. Mais les personnages de la crèche ne sont pas des saints. Leur retour sur la pointe des pieds a donc été possible, et il s’est opéré plus ou moins dès la fin du XVIIe siècle. De toute manière, l’usage de ces figurines était si bien implanté dans la culture populaire qu’une éradication complète était certainement vouée à l’échec.»
Côté «storytelling», il faut dire que la Nativité a tout pour plaire, ce qui explique son succès durable. «Cette naissance dans la clandestinité, puis la venue merveilleuse des Rois mages qui ont suivi une étoile, c’est un mélange de simplicité totale et de mystère. Aujourd’hui encore, ce récit conserve tout son pouvoir d’enchantement», commente Roland Campiche, sociologue des religions à l’Université de Lausanne.
Jadis, […] les figurines de la Nativité étaient un produit de luxe. «Seules les familles bourgeoises pouvaient en installer à domicile», explique Paul Hugger, historien retraité des cultures populaires. Signes de distinction, les crèches ont alors lentement infiltré le champ des arts décoratifs. «Aujourd’hui, même des non-croyants installent des crèches sous le sapin. Parce que c’est pittoresque, comme une maquette de train. Cela plaît aux enfants.»
Puis les crèches n’ont pas tardé à être récupérées par le secteur commercial. Aujourd’hui, des associations de commerçants animent les rues des centres-villes avec des crèches vivantes, avec bœufs, ânes et moutons, toujours pour attirer les familles. Réduite à sa dimension décorative, comme le sapin de Noël, la scène de la Nativité semblait toute prête à basculer du côté du folklore. […]
Or, comme après la Réforme, les crèches sont en train de survivre à la laïcité orthodoxe, du moins dans l’intimité des foyers. Plusieurs familles athées continuent d’en placer au pied du sapin. «J’en ai toujours fait avec mes parents», invoque-t-on. […]
Héritage, transmission, pédagogie : la crèche, avec ses figures imposées, et sa récurrence rituelle, demeure le véhicule de tout cela à la fois. Certains parents cherchent à réinjecter du merveilleux, et quelque chose de transcendant, par une tradition qui les renvoie à leur propre enfance. «Les rites porteurs de l’histoire personnelle sont devenus rarissimes, commente Daniel Marguerat. Or Noël reste ce point fixe dans l’année, souvent attaché à des souvenirs positifs, la magie de l’enfance. Même quand les gens quittent la pratique religieuse, ils en conservent parfois la dimension rituelle structurante.» […]
Les photographies attachées à ce billet furent prises dimanche dernier, le 21 décembre, à l’église Saint-Sauveur, 215, avenue des Oblats, à Québec.
Je profite de l’occasion pour vous transmettre mes Meilleurs Voeux Monsieur Provencher ainsi qu’une Bonne Année 2015. Continuez votre magnifique travail et bonne santé !
Merci beaucoup, cher Monsieur Desmeules. Je vous souhaite une année de paix. Et oui, absolument, la santé à vous de même.