Extraits du premier recueil de poésie d’Albert Lozeau
En 1907, grâce à l’entremise du critique français Charles ab der Halden, le poète Albert Lozeau, âgé de 29 ans, publie à Paris et à Montréal son premier ouvrage de poésie, L’Âme solitaire. Le livre est fort bien reçu, au point où il connaît un nouveau tirage l’année suivante.
En octobre 1908, dans Le Soleil, le quotidien de Québec, Louyse de Bienville [Marie-Louise Marmette] dit que les vers de ce cher Albert viennent d’une «inspiration qui, malgré le caractère singulièrement personnel de ces poésies, en fait un éloquent poème de sensibilité et de dignité humaine que plusieurs peuvent méditer avec profit, tous lire en vraie délectation d’esprit».
Voici quelques-unes des lignes de Lozeau qu’elle retient :
Laisse-moi rougissant comme une exquise femme,
Poser sur tes deux yeux un baiser sur ton âme !
* * *
Ce soir, je vous envoie une de mes pensées,
Prenez-la doucement entre vos doigts jolis,
Vos longs doigts déliés, caressants et polis,
Et puis, réchauffez-la dans vos deux mains pressées…
Faites-la seulement approcher vos doux yeux,
Afin qu’elle s’éveille à la douceur des cieux
Et boive du soleil où bat votre paupière.
* * *
Pour avoir contemplé trop longtemps vos prunelles,
J’ai contracté l’amer regret d’être absent d’elles.
Et j’ai la nostalgie étrange d’un séjour
Dont mon esprit n’avait pas soupçonné le jour.
* * *
Il pleut :
Jours gris d’automne. Il pleut des strophes;
Poètes, tendez vos corbeilles :
Vos cœurs meurtris aux catastrophes.
Et saignant des gouttes vermeilles !
Tendez vos cœurs, il pleut des vers
Entre-choquant leurs rimes d’or !
Oh ! tendez-les tout grands ouverts !
Qu’il pleuve donc ! Qu’il pleuve encor !
Ce choix de textes de Lozeau apparaît dans le livre que Marguerite, la fille de Louyse de Bienville, a consacré à sa mère en 1931, Figures et Paysages. C’est aussi dans cet ouvrage qu’on retrouve cette photographie d’Albert Lozeau.
Au sujet d’Albert Lozeau, je suis revenu à quelques reprises sur ce site, en particulier dans ce billet-ci.