Les vieillards, une marchandise
Un jour, il nous faudra bien une grande histoire des personnes âgées au Québec. Et ne rien cacher. Sous le titre «Les cadeaux annuels. L’expédition de vieillards et infirmes à Montréal», le quotidien montréalais La Patrie, du 22 octobre 1883, raconte ce fait tout de même incroyable.
À l’approche des froids, la police a l’habitude de recevoir, pour notre ville, des cadeaux, sous forme de vieillards, infirmes ou non, que les villes environnantes nous envoient pour s’en débarrasser d’abord, puis pour les mettre à l’abri de l’intempérie de la mauvaise saison.
Les consignations ont commencé à arriver. Hier, c’était une vieille femme envoyée de la Côte St-Paul; aujourd’hui, une autre de St-Hyacinthe.
Ces malheureuses ont été amenées ici par des gens qui ont essayé de les placer dans les asiles et n’ont pas réussi, pour la raison que nos institutions peuvent à peine suffire à recueillir les pauvres de Montréal; on les a jetées ensuite, comme d’habitude, sur les bras de la police.
L’an dernier, on a été jusqu’à expédier à Montréal un vieillard avec une étiquette attachée au bras, tout comme un paquet de marchandises.
Le chef de police, qui a déjà fait annoncer souvent dans les journaux que la ville de Montréal a assez de ses pauvres à soutenir et ne peut recevoir ceux du dehors, s’est empressé de faire reconduire à la Côte St-Paul la vieille femme amenée de là, et celle de St-Hyacinthe doit être expédiée aujourd’hui.
La gravure provient du journal Le Monde illustré, 20 juin 1900. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Personnes âgées».
« (…)doit être expédiée… » Frissons en me secouant la tête ! Et pourtant… combien de personnes âgées traitées comme des numéros, de simples « occupants d’espace », encore aujourd’hui !