Ce feu automnal
Henry David Thoreau, que j’aime beaucoup, déplore que les auteurs de langue anglaise ne célèbrent guère les couleurs de l’automne.
Dans son journal (Journal, 1837-1861, présenté par Kenneth White, Paris, Les Presses d’aujourd’hui, 1981, collection L’Arbre double), il y va des mots suivants :
Dans nos concours de bestiaux et nos expositions d’horticulture, nous faisons grand étalage de beaux fruits, destinés à un sort assez vulgaire, et qui n’entraîne pas tellement notre admiration.
À l’intérieur et aux alentours de nos villes, il y a chaque année une autre exposition de fruits sur une échelle infiniment plus vaste, de fruits qui ne s’adressent qu’à notre goût de la beauté.
C’est chose surprenante que la parure automnale de nos bois n’ait pas eu d’influence plus profonde sur notre littérature. Il n’y en a aucune trace dans la poésie anglaise, sans doute parce que les arbres, dit-on, ne prennent pas là-bas de teintes très vives.
Je ne me souviens pas qu’il en soit fait mention suffisante dans notre poésie ou dans les traditions indiennes. Il semble pourtant que ce phénomène, plus que tout autre, aurait dû frapper l’œil des sauvages, si sensibles aux couleurs brillantes.
On trouve dans notre poésie et dans la science plusieurs allusions à ce phénomène, mais il n’a pas reçu l’attention qu’il méritait.
Si hauts en couleurs que soient beaucoup de discours politiques, je ne vois pas en eux le reflet des teintes automnales. Ils sont aussi vides d’éclat et de vie que les herbages en novembre.
L’année, avec d’éblouissantes couleurs dans ses marges, est grande ouverte comme un livre d’enluminures, mais le prédicateur ne lit jamais la leçon qui y est écrite.