Une visite du Mount Auburn Cemetery
Dites, aimez-vous les cimetières ? Moi, tout à fait. Si on a su au fil des ans en prendre soin, ils sont de magnifiques lieux de paix. Et nous permettent de nous faire à l’idée. Car, quoi qu’on fasse, il faudra bien un jour reposer quelque part.
Par ailleurs, qui enfin nous proposera un grand livre de ce qui a lié le Québec à la ville de Boston au cours des siècles ? Politiques ou autres, nos relations furent multiples. Parlez-en à l’aventurier William Phipps qui risquait de se faire répondre par la bouche de nos canons s’il ne déguerpissait pas en 1690. L’ingénieur bostonnais George R. Baldwin, lui, maître d’œuvre de cette réalisation, pourrait nous raconter la construction de l’aqueduc de Québec, avec celui de la Citadelle le plus important chantier dans la capitale au 19e siècle. Pourrait également apparaître dans cet ouvrage Québec-Boston ce récit, probablement d’un Franco-Américain, d’une visite du grand cimetière de Boston proposée par La Gazette de Joliette du 4 septembre 1890. L’écho de Boston dans un de nos journaux.
Des portes massives nous regardent à l’entrée de cette cité. Les portes sont ouvertes tous les jours, sauf les dimanches. Entré dans cette cité, quelle direction prendre ? Trente milles [66 kilomètres] de chemin (y compris avenues et sentiers) se présentent devant nous. Le coup d’œil est féérique. C’est alors qu’on voit les merveilles de l’art chrétien et païen; car la croix du Christ apparaît à côté d’une idole du paganisme. Des œuvres de maîtres sont éparpillées ça et là.
Des statues d’un goût exquis, des monuments gigantesques, des monceaux de rochers, des lacs, des étangs, des jets d’eau magnifiques, des plaines, des vallons et des montagnes nous donnent une idée des richesses de cette cité.
Aux pieds de ces montagnes, sont les caveaux; les plaines nous laissent voir de beaux monuments, mais aux collines et aux montagnes sont réservées les merveilles de la cité.
La chapelle, construite sur une colline, est remarquable par sa beauté et par la richesse de ses statues. À la porte, se trouve le sphinx américain, monceau énorme de rocher.
Sur le point dominant de la cité, est une belle tour construite en pierres magnifiques. De cette tour, le point de vue est charmant. Au pied, une forêt d’arbres, de monuments, des rangées de demeures mortuaires. Au loin, Cambridgeport, Boston, Charlestown, Roxbury et le monument de Bunker-Hill.
Dans cette cité, reposent plusieurs célébrités américaines, entre autres [Henry Wadsworth] Longfellow [l’auteur du poème Évangéline], Summer, Everett, etc. Je me suis assis sur le gazon qui recouvre les cendres du poète qui chanta la Jeune Acadienne. Sur son tombeau, une réminiscence du collège a surgi plus vivace que jamais, et j’ai pu réciter :
The shades of night were falling fast
As through an Alpine Village passed
A youth, who bore, mid snow and ice,
A banner with strange device, :
Excelsior !
Un beau bloc de granit indique la demeure du poète. J’aimais ce poète, mais je l’aime encore plus après cette visite à sa demeure.
Un dernier adieu au poète, et je me dirige tout pensif, car la mort, ce châtiment de l’humanité, a son trône et règne avec éclat dans ce lieu.
Nulle part, le «il faut mourir» de la Trappe n’est écrit avec plus de certitude.
La vie végétative est riante. Les arbres, les plantes et les fleurs se bercent tout à tour au gré des vents et des zéphyrs; ignorants des misères humaines, ils n’ont que des larmes de joie que leur procurent un grand nombre d’ouvriers qui travaillent dans cette cité. Un salut au gardien, et je reprends les chars pour retourner à Boston.
«Sic transit gloria mundi.»
Aujourd’hui, le cimetière Mount Auburn à Boston est toujours un lieu qu’on aime visiter, «a silent city on a hill». On y fait aussi de l’observation botanique ou ornithologique. On y amène les enfants des écoles. On y célèbre même des mariages. Et d’autres personnages que Longfellow y dorment, comme le botaniste Asa Gray (1810-1888), le visionnaire Buckminster Fuller (1895-1983) et l’ornithologue William Brewster (1851-1919).
La photographie fut prise au Mount Auburn Cemetery et apparaît sur le site internet du cimetière.
Le « culte des disparus » ne m’habite pas, mais j’aime bien me balader dans un cimetière à lire les noms, les dates,, admirer les monuments, lire avec les doigts sur les pierres usées… On imagine un peu les vies, les histoires, les peines…
J’ai eu l’occasion de feuilleter le magnifique livre de Jean Simard sur les cimetières du Québec. Regard sur la vie après la mort, on pourrait presque dire !
Pour nous en histoire, on y lit certains faits, comme les épidémies, la mortalité infantile, etc. Le problème, c’est que les pierres tombales étaient souvent faites de calcaire, du moins dans la région de Québec, et, après une centaine d’années, il n’est plus guère possible de lire quoi que ce soit malheureusement, le matériau étant friable.