«La Terre dans l’univers»
Le journaliste scientifique français Jacques Léotard est absolument séduit par l’agencement de l’univers. La Gazette de Joliette du 5 septembre 1889 lui donne la parole.
Isolé au sein de l’espace sans limites qui s’étend en toutes directions autour de lui, roulant dans l’immensité des plaines éthérées, avec la vitesse formidable de trente kilomètres par seconde, autour d’un soleil flamboyant dont la masse géante le fascine et l’attire, il est un astre connu de tous ! Cet astre, c’est la Terre !
Oui, nous habitons un astre du ciel, un grain de sable, une goutte d’eau perdue dans le désert, dans l’océan de l’univers infini…
C’est là, sur cette atome minuscule, jouet de onze mouvements principaux, que s’étendent nos mers et nos continents; là s’agitent un milliard et demi d’hommes en proie à mille passions diverses.
Entraînées comme la Terre par l’irrésistible puissance de la gravitation, comme celle d’enfants dociles du Soleil, qui les engendra tour à tour, sept autres grandes planètes : Mercure, Vénus, Mars, dont les masses individuelles sont inférieures à celle de notre globe; Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune, près desquelles notre monde n’est qu’une modeste fourmilière, décrivant une orbite elliptique autour de l’astre rayonnant qui leur prodigue la lumière, la chaleur et la vie.
À ce vaste cortège du Soleil se joignent 284 petites planètes, mondes infimes qui se meuvent entre Mars et Jupiter, et des millions de comètes, vagabondes, affolées, que l’attraction magnétique du Soleil cueille dans l’espace et qui parcourent sous la puissante énergie des ellipses extrêmement allongées ou d’interminables paraboles.
Il existe en outre dans l’archipel céleste qui compose le système auquel appartient la Terre, située entre Vénus et Mars, vingt lunes ou satellites de planètes, qui sont ainsi répartis : Terre, 1; Mars, 2; Jupiter, 4; Saturne, 8; Uranus, 4; Neptune, 1.
Tout ce magnifique groupe est animé lui-même d’un mouvement d’ensemble, car le Soleil, son centre, se dirige vers la constellation d’Hercule, à raison de dix kilomètres par secondes, et planètes, comètes, satellites, attachés à ses pas, le suivent docilement dans sa course rapide.
Loin, bien loin de nous, séparées par d’incommensurables espaces, semées au sein de l’infini comme d’innombrables fleurs dans de splendides parterres rayonnant par millions, les étoiles, soleils géants, centres de systèmes planétaires analogues au nôtre, dont le grandiose ensemble compose la nébuleuse de la Voie lactée dans la partie centrale de laquelle nous gravitons.
Plus loin, plus loin encore dans les noires profondeurs de l’espace insondable, les blanches nébuleuses, vastes réunions de brillants soleils, s’étendent à des millions de milliards de lieues de la Terre !
Et à chaque seconde qui sonne à l’horloge de l’éternité, dans un ordre parfait qu’aucune puissance ne peut rompre, des légions incalculables de corps célestes, masses colossales lancées dans le tourbillon de l’univers, enchevêtrent leurs routes à travers l’infini sans jamais rompre l’harmonie générale. Tous, et parmi eux le modeste globe qui porte notre orgueilleuse humanité, courant avec une rapidité vertigineuse, près de laquelle la vitesse des projectiles du canon égale la marche de la lourde tortue comparée à celle de la locomotive aux ailes de feu.
Et l’arbre de la vie, de la vie universelle, étend sur eux ses ramifications immenses.