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Tournant les pages de cet ouvrage

le poeme court japonais daujourdhui

On nous présente ces courts textes sous l’angle des quatre saisons. Une cinquième catégorie porte le nom de Hors Saison. Mais qu’importe, nul besoin souvent de savoir en quelle saison nous sommes.

Il assiège la porte de la cuisine — le cosmos

Kiyosaki Roshio

La pluie commence à tomber — c’est le battement du cœur de la nuit

Sumitaku Kenshin

Nous nous embrassons — le tournesol se détourne

Mayuzumi Madoka

Je lave ma pêche comme on lave un nouveau-né

Nagata Kôi

Midi d’automne — dans la ruche le bruit du pas des abeilles

Usami Gyomoku

Un insecte endormi — si la mort pouvait avoir ce visage

Katô Shûson

Le criquet regarde intensément le profond de la terre

Yamaguchi Seishi

Dans l’œil de l’oiseau migrateur, je deviens toujours plus petit

Ueda Gosengoku

«Un vol d’oiseaux migrateurs !» dit-on en me tendant le menu

Imai Sei

Si seules ces hautes herbes — j’en ai fait des tresses

Kai Michiko

Chemin de neige profonde — où je vais d’où je viens se confondent

Nakamura Kusatao

À la fin, deviendrai-je aussi un arbre — au loin dans la lande fanée ?

Nomiyama Asuka

De la lande noire, une nuée de corbeaux décolle — comme un gang de voleurs

Harako Kôhei

Lièvre des neiges — il reste dans le monde un frôlement de soie

Usami Gyomoku

À soixante ans, le cœur inapaisable, je traverse la mer

Taneda Santôka

À ma mort, venez tous déguisés en oiseaux

Yasui Kôji

Au bout de sa langue, il cache des paysages — l’étranger

Horimoto Gin

Allez, il y en a tant, il faut s’arrêter. Mais pas avant de noter ce texte en fin de livre, où on mentionne que le grand Bashô a dit que l’attention aux choses infimes est l’un des principes de base du haïku. «Selon cette perspective, seul un poète «éveillé», en osmose avec le vivant, peut se taire intérieurement au point de prêter ainsi l’oreille au silence du silence, dans un état de réceptivité inouïe à la création continue du monde.» Et on rajoute ce mot d’Henri Michaux : L’espace est silence, silence comme le frai abondant tombant lentement dans une eau calme.

Ce petit recueil fut publié chez Gallimard en 2007.

* * *

Et alors que je mets en ligne ce propos, ma fille au téléphone me dit que mon petit-fils de sept ans vient d’échapper : «Maman, tu sais ce qu’est le gazon ? Ce sont les cheveux de la terre».

4 commentaires Publier un commentaire
  1. Mario Gervais #

    J’ose me commettre, et ce, sans avoir eu le privilège ni l’honneur de faire connaissance avec ce jeune enfant, ni avec ses parents…

    Donc, j’aurais tendance à affirmer que : Tel Grand-Père, tel petit-fils..!!! ;-)

    Mario

    Péesse : Cela dit, génétiquement parlant, le gendre-géniteur compte certainement pour 50% du bagage de ce fin observateur terrestre…! ;-)

    7 septembre 2014
  2. Jean Provencher #

    Je trouve, cher Mario, qu’il y a une pureté première dans les mots d’enfant, une si magnifique compréhension des choses, qui réjouit tellement. Au point où à chaque fois nous devrions les noter. Je me rappelle que sa mère, très jeune, dans un Larousse en images pour enfants, apercevant un igloo, s’est exclamé «Ô, une ruche d’Esquimau». À la page où il y avait l’image d’un volcan, immédiatement elle a dit «Ô, un feu de montagne».

    Passant près d’un cimetière, une amie me disait que son fils a échappé la remarque suivante : «Regarde, maman, c’est là où vivent les morts».

    Sur ce site, il me faudrait quasiment ouvrir une page où les personnes visiteuses pourraient accrocher les mots qu’un enfant, un jour, leur a confiés.

    Ce pourrait être ici même d’ailleurs, dans les commentaires.

    7 septembre 2014
  3. Esther #

    Que de jolies courtes phrases… Les lire toutes à la suite, c’est comme déballer le contenu de tout un sac de bonbons… Ensuite, faut les reprendre un par un et surtout, prendre le temps de les savourer…
    « …se taire intérieurement au point de prêter ainsi l’oreille au silence du silence… » Un projet, une pratique à long terme…
    ………………………..
    L’idée des mots d’enfants me séduit…

    8 septembre 2014
  4. Jean Provencher #

    J’aime tant, Vous les savez, chère Vous, ces courts textes d’origine asiatique. Il me semble que ces gens d’Orient viennent de civilisations millénaires et ont appris à épurer et épurer pour rapidement gagner l’essentiel en très peu de mots.

    Pour les mots d’enfants, je crois que je vais ouvrir une page babillard sur ce site.

    8 septembre 2014

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