La porte secrète
Un jour, une critique de ce livre me tomba sous la main. On nous disait difficile à lire ce Ludwig Hohl (1904-1980), écrivain et penseur suisse de langue allemande. Le quatrième de couverture le spécifiait : Dans ce recueil de réflexions d’une haute exigence, on perçoit le cheminement d’un écrivain en marche envers soi-même. La lucidité, le pari de la raison, la foi en l’intelligence : «Il n’y a jamais de miracle. Le miracle est une catégorie de la connaissance».
Je me procure le livre. Voici un extrait.
La porte secrète
Le conte de Gœthe où il est question d’une porte secrète, de cette porte si difficile à trouver parce que la plupart du temps, elle n’existe pas, ou plus généralement, l’idée même de la porte secrète; secrète, parce que difficile à trouver parmi tant d’innombrables portes pareilles — qui ne lui sont en rien pareilles —, voilà qui me paraît des plus importants.
Notre monde est délimité par un mur où se trouvent des millions et des milliards d’ouvertures minuscules; aucune de ces ouvertures ne mène plus loin qu’un tout petit peu plus loin, un rien seulement plus avant dans le mur, en aucun cas hors de notre monde. Mais une, une seule de ces milliards d’ouvertures d’un diamètre d’un millionième de millimètre peut-être conduit plus loin, et non seulement beaucoup plus loin, mais à travers le mur, vers un autre monde, qui s’étale aussi loin que le nôtre, et peut-être même débouche sur l’univers.
Ludwig Hohl, Tous les hommes presque toujours s’imaginent, Lausanne, Éditions de l’Aire, 1981, collection Lettres universelles, p. 95.
La photographie de Ludwig Hohl provient du site des Éditions Le nouvel Attila.