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Impossible de se passer de lumière

L’hebdomadaire La Tribune du 5 juillet 1889 se lance dans un texte d’un certain intérêt sur la lumière.

La lumière possède une influence très marquée sur le système nerveux, et, par suite, sur les impressions morales, qui réagissent elles-mêmes sur la santé physique. L’obscurité inquiète et parfois même effraye l’homme comme les animaux.

Un des membres de l’expédition météorologique suédoise de Spitzberg, de 1882 à 1883, a raconté de la façon suivante les impressions éprouvées par lui et ses camarades sous l’influence de la nuit polaire.

Le 23 août, le soleil se coucha pour la première fois, et, le 23 octobre, il disparut complètement. Le 2 novembre […], la nuit du pôle commençait.

Le soleil resta sous l’horizon du 23 octobre au 18 février, soit pendant une période de 118 jours et autant de nuits. D’abord, il ne faisait pas tout à fait noir à midi, mais, dès le 11 novembre, la nuit fut complète uniquement coupée par les apparitions de la lune et des aurores boréales. Quand la lune ou l’aurore boréale faisait défaut, il faisait absolument noir.

Déjà, en octobre, commencèrent à se manifester les symptômes de l’influence démoralisatrice que l’obscurité exerce sur l’esprit, influence bien connu de tous ceux qui ont hiverné dans les régions polaires.

Pendant ce mois, elle ne fut pourtant que très légèrement ressentie; mais, en novembre, elle augmenta rapidement. Et, en décembre, elle avait atteint «le premier degré de démence».

Cette influence se trahissait par une grande aversion pour la conversation, accompagnée d’une profonde lassitude, et aussi de découragement et de pressentiments sinistres. L’expédition campait justement dans une région où se trouvait une croix avec l’inscription suivante : «Ici reposent les restes de quinze hommes morts à cet endroit au printemps de 1873. Paix à leurs cendres !»

Quand nous étions couchés (ajoute l’auteur de ce récit), le fantôme du scorbut se dressait devant nous, et l’idée qui nous obsédait était celle de savoir que là, tout près, l’on avait trouvé, dix ans plus tôt, les cadavres de quinze braves gens.

Il nous sembla que le meilleur remède à ce mal était une promenade réconfortante, un bon dîner et quelques verres de jus de citron, joint à la pensée consolante que notre expédition formait un des jalons d’une grande œuvre scientifique.

Toutes ces fâcheuses impressions disparurent au retour du soleil, de ce soleil bienfaisant qui dissipe les fantômes et dont la lumière, si favorable pour le corps, rend encore à l’esprit toute sa santé.

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