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Que sera la vie en 1992 ?

J’aime lorsque les journaux d’hier se lancent dans de la prospective. Avec le recul d’aujourd’hui, on peut tout de suite se demander s’ils ont imaginé l’avenir avec justesse.

La Tribune, l’hebdo de Saint-Hyacinthe, du 29 avril 1892, reprend un article de la Revue scientifique française, surnommée Revue Rose à cause de la couleur de sa couverture. Le titre du propos : Comment on vivra dans cent ans. Extraits.

 

Il fera bon vivre en 1992 !

D’abord, de toutes parts, les relations internationales plus étroites, plus rapides; et partout, du pôle Nord au pôle Sud, de l’Afrique à l’Australie, des télégraphes, des journaux, des phares, des locomotives, des bateaux à vapeur.

L’Afrique explorée et commençant à se peupler d’Européens. L’Amérique ayant une population trois fois plus nombreuse que la population actuelle; et, dans l’immense continent, le Nord parlant anglais, le Sud et le Centre parlant espagnol. Toutes la nations se développant, mais la Russie et les États-Unis du nord devenant, par leurs immenses populations, prépondérantes, si tant est qu’il y ait, à la fin du vingtième siècle, une prépondérance militaire : car peut-être [que] la période des guerres, derniers restes de la barbarie ancienne, aura pris fin ou tendra à prendre fin.

Toutes ces sociétés seront démocratiques avec une tendance au socialisme. La richesse sera plus disséminée, et les conditions matérielles de l’existence seront incontestablement, pour la plupart des humains, plus douces qu’aujourd’hui.

C’est surtout l’hygiène qui sera perfectionnée, et tout nous porte à croire que ce sera un des grands efforts, sinon le plus grand effort du siècle prochain.

Chaque ville, tant soit peu importante, aura ses conduites d’eau pure, privée de germes pathogènes, soit normalement, soit par des procédés industriels, filtration, chauffage, ou désinfection chimique. Les égouts, dans lesquels iront toutes les déjections, seront, eux aussi, désinfectés, de sorte que les épidémies ne se transmettront pas à distance, et d’ailleurs il n’y aura plus d’épidémies, grâce aux découvertes des émules de [Louis] Pasteur. […]

D’une manière générale, la grande industrie l’emportera sur la petite industrie, et la machine aura complètement remplacé le travail manuel. La laine, la soie, le coton, le papier se travailleront dans d’immenses ateliers et, malgré l’élévation constante du prix de la main-d’œuvre, par suite de l’immense quantité facilement fabriquée, le prix final de revient ira toujours en diminuant.

Les articles en fer et en acier, en aluminium, en nickel, en argent, seront de consommation courante et à des prix étonnants pour leur bon marché. De même tous les produits industriels. Que l’on compare le prix actuel d’une montre d’aujourd’hui au prix d’une montre il y a quarante ans, et on se fera un idée de l’avilissement des prix qui surviendra d’ici à un siècle pour tous les objets fabriqués, quels qu’ils soient. Les petits fabricants ne pourront en retirer aucun bénéfice, et ce n’est que par une énorme fabrication et un chiffre d’affaires colossal que les fabricants en gros pourront, malgré la concurrence, en retirer quelque avantage.

Les voitures seront, en partie au moins, remplacées par des voitures à vapeur ou des voitures électriques. Il y aura des vélocipèdes à vapeur et des vélocipèdes électriques. Des tramways à vapeur circuleront d’un village à l’autre.

L’imprimerie se fera à très bon marché, car il y aura des machines à composer et le papier sera presque sans valeur.

Les lampes, les horloges, les montres, les machines à coudre, les machines à écrire, la verrerie, les porcelaines d’usage courant, tous ces produits seront à vil prix.

Et comme on promet, en outre, à nos petits-neveux qu’ils seront mieux nourris, mieux vêtus et mieux chauffés, souhaitons qu’une bonne fée nous endorme pour ne nous réveiller qu’en 1992.

 

Les illustrations font partie d’une œuvre spectaculaire rendant hommage à l’importance du cheval dans l’histoire du Canada, une création de l’artiste Joe Fafard bordant le fleuve Saint-Laurent à Québec, un cadeau de la Ville et du Stampede de Calgary à l’occasion du 400e anniversaire de la fondation de Québec, le 3 juillet 1608.

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