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Des souvenirs d’enfance

À la lecture d’une brochure sur la vie au lac Saint-Jean, Madeleine se remémore des souvenirs d’enfance.

Je suis une enfant de la terre, cette bonne terre qui ne demande qu’à donner du pain à ses fils, et j’ai gardé intact mon respect tendre pour cette chère «vieille», que j’ai vu «remuée» par nos habitants avec attendrissement et joie.

Pendant la période des moissons, la récompense accordée à ma sagesse était une promenade dans les champs… ce que j’en ai fait des sacrifices, pour avoir la permission de courir chez les voisins dont les immenses terres se perdaient sur les grosses montagnes ! Et je voulais aller jusqu’au bout, loin, très loin, me perdre dans ces bois noirs, avec ce secret désir de mystère et de sombre qui s’agite parfois au cœur des petits.

Mais hélas ! mes pattes étaient vite lasses, et j’étais heureuse de me coucher sur quelque «meule» fraîche qui fleurait bon et de fermer les yeux sous l’ardeur blondissante du soleil…..

Il pleuvait des sourires et des parfums sur les grands champs de chez nous, tandis que les moissonneurs, hommes aux faces rudes et au sourire bon, les poitrines haletantes sous la chemise d’étoffe grise, travaillaient ferme, à côté de leurs femmes qui, en cotillon d’indienne, la figure ombragée d’un large chapeau retenu sous le menton par des «gorgettes», riaient au blé d’or que leur faucille abattait.

C’était joli tout cela, bien joli !

Comme tout ce monde aimait la terre et les bêtes, les bonnes bêtes de la ferme, ces travailleuses infatigables qui mouraient en faisant le service comme des braves !

Le père François, un vieil habitant, disait, en parlant de sa paire de bœufs : Je ne donnerais pas mes bœufs pour cent piastres, pour rien, entendez-vous, pour rien, ces bœufs-là, ça vaut n’importe quel cheval !

Je ne comprenais pas la tendresse du père François et, curieuse, je le questionnai maladroitement.

— Pourquoi que je les aime, mes bœufs, petite, eh ben, c’est parce qu’ils m’ont rendu plus de services à moi seul avec leurs gros yeux et leur air à rien comprendre, comme tu dis, que t’en rendras jamais toi, à tout le monde ensemble !

J’avoue que je fus longue à pardonner au père François cette comparaison de ma petite personne….. à ses bœufs. Mais avec le temps !…

 

Si je m’en tiens à l’ouvrage de Bernard Vinet, Pseudonymes québécois (Québec, Éditions Garneau, 1974), cette Madeleine, auteure de ce texte, pourrait être Anne-Marie Gleason (1875-1943), née à Rimouski, épouse de W.-A. Huguenin.

Dans la série : Hommage à la vie dans le Bas-Saint-Laurent.

La photographie de cette enfant nourrissant un «suisse», un tamia rayé, sur une marche, prise durant les années 1940, provient de Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Gatineau, Fonds Léon Couture, Documents photographiques, cote : P114, S1, D18.

 

Pour la belle photographie ci-bas, voir le premier commentaire tout en bas. Merci beaucoup, chère Madame. Un véritable cadeau que vous nous faites ! Quelle belle image !

3 commentaires Publier un commentaire
  1. Jean Provencher #

    Une visiteure régulière du site, Nicole, de Saint-Marc-sur-Richelieu, m’écrit :

    Bon matin,

    La photo de votre blog ce matin m’a rappelé un souvenir de 1955.

    Durant tout l’été passé au chalet à St-Charles de Mandeville, le petit tamia rayé montré sur la photo devient mon ami de tous les jours. 

    Comme nous habitions Montréal, mes parents tenaient à ce que nos étés soient passés  à la campagne entre une ferme et de la belle rivière Maskinongé.   Des étés fantastiques !  Ainsi débute mon intérêt pour observer la nature.  Cette année-là, de retour à l’école en septembre, j’adhère au Club des Jeunes Naturalistes mené par Sœur Marie-Berthe du Rédempteur.  Quelle joie !

    Merci, chère Vous, de ce témoignage. J’aime beaucoup savoir qu’une petite bête comme le tamia peut faire naître toute une vie d’intérêt pour la Nature. C’est une histoire fort belle.

    11 mars 2014

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