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La vie domestique

En histoire, documenter la vie domestique des populations demande patience et longueur de temps, mais réserve toujours des joies. Pour y arriver, les chemins varient. L’inventaire après décès, par exemple, fourmille de détails, qui deviennent souvent fort éclairants pour qui sait les «lire». Vous savez, il était coutume autrefois qu’à la mort d’une personne possédant des biens en partage, un notaire se rende là où elle habitait pour faire l’inventaire de ce qui se trouvait. Les récits de vie, les enquêtes orales renseignent souvent également.

Les journaux sont une autre riche source et il faut les traverser avec attention. Voyez comment un article, à première vue bien peu éloquent, peut contenir de nombreux faits reliés aux comportements des populations.

Nous sommes à Québec la première semaine d’octobre 1889. Il pleut, semble-t-il, depuis au moins un mois. Le numéro du 8 octobre du quotidien Le Canadien propose, comme à chaque semaine d’ailleurs, une colonne consacrée aux affaires. Ce jour-là, le texte s’intitule «Le commerce de nouveautés». Comment croire, diable, qu’il pourrait s’y trouver des détails sur la vie de tous les jours des gens d’alentour ? Mais oui, on en apprend beaucoup.

Au sujet de la vente des tissus, il est normal que les soies se vendent moins bien à ce temps de l’année, à cause du climat qui change. Le journaliste le note : «Les soies traversent leur époque d’inactivité ordinaire.» Mais il ajoute aussitôt : «On s’attend à un meilleur marché pour les ventes à la verge vers les fêtes du nouvel an, car c’est alors que les demandes de la campagne sont généralement plus nombreuses, à cause des mariages qui se font plus fréquemment après les fêtes. C’est le temps des réjouissances, comme c’est aussi l’époque des plus grandes dépenses pour les toilettes de mariées.» Que ce texte est révélateur de manières de vivre ! On voit, en particulier, les couturières au travail dans les campagnes pour la confection de robes de mariées. Mais poursuivons.

«Les commandes en pelleteries, au contraire [des soies], deviennent de plus en plus nombreuses à mesure que les froids approchent, mais, dans quelques jours, ce département sera encore plus achalandé; ce sera la vraie saison des fourrures.»

«Les couvertes de laine sont en grande demande, et il faut avouer que l’assortiment de la plupart de nos maisons est des mieux montés. On doit dormir comme des bienheureux dans les riches couvertures que l’on exhibe dans les vitrines de certains établissements.» J’y reviens : À quand une histoire de la vitrine ?

«Les lainages sont encore assez tranquilles. On remarque cependant un commencement d’activité pour les camisoles et les caleçons d’hommes et les bas de dames et messieurs.»

«La saison des cotons et des indiennes est pour ainsi dire passée, aussi il se fait peu d’affaire dans ce département. Les tweeds, les étoffes à pardessus pour hommes, comme les meltons par exemple, commencent à prendre une grande activité. Les tweeds que l’on rencontre aujourd’hui sont d’une bien meilleure qualité que celle des années passées. Les industriels semblent rivalizer [sic] de zèle pour servir au consommateur un article de première classe. Qu’ils continuent, et les acheteurs ne s’en plaindront pas. Nous paierons plus cher, mais les habillements dureront plus que le double du temps.»

«Les pardessus imperméables, pour hommes et pour dames, font pour ainsi dire fureur aujourd’hui sur le marché. Personne ne doit s’étonner de cette activité inouïe, à la suite des pluies torrentielles que le ciel nous envoie depuis plus d’un mois. On peut faire la même remarque au sujet des chaussures en caoutchouc.»

«Les flanelles unies et de fantaisie commencent à se réveiller. Il n’y a pas de doute que cette activité ira toujours en grandissant d’ici à quelques semaines. Les tapis et les prélarts sont arrivés à leur époque de tranquillité accoutumée. À l’approche des fêtes, ce département prendra une nouvelle impulsion, parce que, généralement, on renouvelle pour ces temps de réjouissances la toilette des salons, des salles à diner et des passages des maisons de ville.»

 

Que de faits dans cet article, semblant au départ bien anodin, sur l’histoire de la vie quotidienne, le passage, en particulier, de la saison douce à la froide !

L’illustration de la salle de séjour vitrée de la maison de madame J[oseph] P[hilippe] Landry à Québec vers 1940, au 247, avenue Laurier, manifestement bien confortable, provient de Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Montréal, Fonds Famille Landry, Souvenirs de famille, Photographies, cote P155, S1, SS1. D626.

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