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Le travail de l’abeille

Dans plusieurs régions du Québec, certains font actuellement métier de la location de ruches d’abeilles pour la pollinisation. Voilà longtemps que nous savons qu’à travers la poursuite de son travail, l’abeille peut augmenter le rendement des cultures. Le 18 octobre 1889, La Tribune, de Saint-Hyacinthe, propose un article de la Gazette de Joliette sur «L’abeille bienfaisante». Contribution à «L’homme et l’insecte», une grande histoire des interactions entre les humains et les insectes.

L’abeille a été célébrée de toutes les manières pour ses qualités morales, ses capacités industrielles et surtout sa sagesse politique. Mais il doit exister encore dans notre pays une foule de personnes, ignorant comme l’ignorait jusqu’à ces jours derniers l’auteur de ces lignes, que cette petite mouche laborieuse est un des auxiliaires les plus puissants de l’agriculteur. Nous entendons par là que non seulement elle contribue à enrichir ce dernier par la production du miel qu’elle lui fournit, mais encore qu’elle peut contribuer, dans une très appréciable mesure, à augmenter le rendement de la culture.

C’est ce que nous apprennent une excellente publication française, le Petit Bulletin, et M. Jobard, rédacteur du Bien Public de Lyon, dans des écrits dont nous faisons usage pour l’enseignement de ceux qui ne savent pas encore, et peut-être aussi pour l’avantage de ceux qui savent déjà. Il est dit dans ces travaux que la culture raisonnée des abeilles peut augmenter dans une notable proportion la production fourragère, fruitière et vinicole. Les faits ne manquent pas pour appuyer cette prétention. Dans certains districts de la Saxe, les cultivateurs ont des ruchers qu’ils placent sur des chariots et qu’ils conduisent dans leurs champs au moment de la floraison du blé. Ils obtiennent des produits superbes qu’ils vendent au plus haut prix comme blé de semence.

Comme on rapportait ce fait à des cultivateurs de Velars, l’un d’eux s’écrie : «C’est donc pour ça que mon bon blé est toujours celui que je récolte près de mon rucher.»

Voici, d’après les mêmes écrivains, la déclaration faite par un grand apiculteur de Lanque qui avait annoncé qu’il expérimenterait le procédé :

«Suivant ma promesse, j’ai ensemencé en blé les terres qui confinent à mon rucher situé au milieu de la campagne. Eh bien ! le grain de ces champs est supérieur à celui de toutes les autres terres.»

Darwin, qui a fait de nombreuses observations sur la fécondation des plantes par les abeilles, a constaté que la culture faite par le voisinage des ruchers était beaucoup plus productive que l’autre et donnait des grains d’une qualité supérieure. Et comment Darwin explique-t-il ce phénomène ? C’est que, dit-il, la succion constante opérée par les abeilles dans les corolles où le miel se renouvelle sans cesse et produit une congestion qui arrête le développement de la plante, quand celle-ci n’est pas suffisamment exploitée, a pour effet de la dégorger salutairement.

L’influence des abeilles sur la fructification des arbres à fruits est prouvée depuis longtemps, disent les écrivains consultés. En Autriche, en Russie, en Italie, aux États-Unis, en Allemagne et, même depuis l’annexion, en Alsace-Lorraine, cette culture est très encouragée.

À Vienne, ajoute-t-on, il a été fondé une véritable académie dont l’Empereur est le président et dont le but est de propager la culture des abeilles. Si, comme tout semble l’établir, les abeilles sont indispensables à la fécondation des plantes, pourquoi nos cultivateurs négligeraient-ils davantage de tenter ici des expériences qui ont été si productives ailleurs ? Nos apiculteurs doivent avoir là-dessus des données dont la connaissance serait profitable au public agricole. Qu’ils les exposent, et ils auront rendu service à notre pays, car rien de ce qui peut tendre au développement de notre agriculture ne doit être négligé. Les faits les plus insignifiants en apparence, on le découvre à chaque instant, ont une importance sérieuse, restée caché jusqu’à ce que la science la mette à jour et que la presse la propage au moyen de ses innombrables organes.

 

L’illustration est extraite de l’ouvrage de Louis Cousin-Despréaux, Les leçons de la nature présentées à l’esprit et au cœur, Tours, Alfred Mame et Fils, 1885. Merci à mon bouquiniste Michel Roy pour le prêt de ce livre.

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