Le Pic flamboyant
J’ai trois pics, le chevelu, le mineur et le flamboyant. Sur mes pommiers, je lis aussi le passage du Pic maculé (Sphyrapicus varius, Yellow-bellied Sapsucker) par de petits trous bien alignés sur les troncs. Jamais cependant je ne l’ai aperçu.
Cela dit, si mes Pics chevelus (Picoides villosus, Hairy Woodpecker) et mineurs (Picoides pubescens, Downy Woodpecker) sont légèrement domestiqués, peut-on dire, parce qu’ils viennent aux mangeoires, il n’en est pas question pour le Pic flamboyant (Colaptes auratus, Northern Flicker).
Quel oiseau sauvage, se méfiant même de la présence humaine ! Pour tout vous dire, c’est la première fois, hier après-midi, en 37 ans, que j’ai réussi à le photographier chez moi. Et encore, la photo ne lui rend pas justice. Pourtant, invariablement, il m’arrive quelque part au début d’avril et quitte la dernière semaine de septembre ou la première d’octobre. La plupart du temps, je le repère par son cri, une sorte de «rire» qu’il répète presque toujours une seconde fois, ce qui donne le temps de bien s’assurer qu’il s’agit de lui. Mais je le vois aussi, à distance, allant de place en place sur le terrain.
Je lui ai construit un nichoir, précisément pour lui, mais jamais il ne s’est montré intéressé. En fait, ce sont mes si nombreuses fourmilières qui l’attirent. Il y passe de longs moments à s’y nourrir. Je me souviens avoir décrit dans Un Citadin à la campagne cet oiseau magnifique, triangle écarlate derrière la tête, croissant de lune noir sur le poitrail, fouiller le sol avec son long bec en forme d’épine. Soudain, il plaçait le bec dans la fourmilière et demeurait immobile, pendant de longs moments, la tête enfouie dans les herbes. Je me demandais si les fourmis entraient alors dans le bec, une à une, comme s’il les buvait.
Au fil du temps, au Québec, on l’a appelé Pivart, Poule des bois et Pic doré. Dans Les Oiseaux de la province de Québec (1906), Charles-Eusèbe Dionne écrit : «Le Pivart est un des plus élégants, en même temps qu’un des plus beaux oiseaux de nos bois. Il a la faculté de se poser sur les branches des arbres à la manière des Passereaux. Il descend souvent à terre pour y chercher des fourmis, dont il est très friand, et qu’il semble préférer à toute autre nourriture. Il mange aussi d’autres insectes et même parfois du blé d’inde, du raisin, etc.»
Dans Les Oiseaux de l’Est du Canada (1920), P. A. Taverner affirme : «Bien que ce soit un vrai pic, le pic doré se nourrit essentiellement sur terre et est particulièrement friand de fourmis lesquelles composent bien souvent une bonne partie de son alimentation. Il prend plaisir à se cramponner à un tronc d’arbre creux, sonore, et à le frapper à coups de bec rapides et retentissants que l’on entend de très loin. Il semble faire ce bruit pour appeler sa compagne ou alors c’est quelquefois pour donner libre cours à sa bonne humeur.»
Au sujet de son amour fou des fourmis, Claude Melançon, dans Charmants Voisins (1940), rappelle : «Il peut en manger plusieurs milliers par jour. Il tient ainsi en échec une espèce prolifique, énergique et têtue qui a la mauvaise habitude d’élever des insectes suceurs, comme nous le faisons des vaches, et de les transporter sur les plantes de nos jardins, dont ils transforment la sève en un liquide sucré, fort apprécié des demoiselles noires à la taille pincée.» […] «Méfiant de son naturel, le bel oiseau se laisse rarement approcher; mais comme il habite souvent près de nos maisons de campagne voire même de nos maisons de ville, et comme il a un cri typique et un habit attrayant, il est beaucoup remarqué.»
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