Le Québec, un pays d’excès

Qui, un jour, fera l’histoire du climat québécois devra assurément noter les excès de température. Car, sous cet angle, ce pays est excessif. Pas qu’entre l’été et l’hiver. Mais, souventes fois, à l’intérieur d’une même semaine. Hier, il faisait six, le surlendemain voilà une chaleur écrasante.

Je souris souvent à la lecture de la chronique des jours dans les journaux anciens. Voyons, par exemple, La Patrie du 11 mai 1906 qui intitule son texte «Température hors saison».

Depuis le commencement du mois de mai, la température est absolument désagréable. À peine avons-nous eu quelques demi-journées de pâle soleil. L’humidité s’est maintenue presque constante, les habitations en sont saturées, et il faut chauffer les habitations comme par les froids malsains de l’automne.

Mais, après une heure de l’après-midi, le ciel s’est chargé de noirs nuages, et, vers deux heures, une bourrasque de vent passait sur Montréal déversant pendant quelques minutes des flots de grêle et de neige. Ce fut l’affaire de quelques minutes, mais c’était suffisant pour faire maugréer les promeneurs ou ceux appelés au dehors à leurs affaires, qui furent pris par surprise sous cette averse hors saison.

Le 19 juin 1906, cinq semaines plus tard, toujours à Montréal, le temps qu’il fait est insupportable. La Patrie du lendemain raconte :

À 3 heures hier après-midi, le thermomètre officiel de l’hôtel de ville marquait 80 degrés et la chaleur, intensifiée par l’humidité excessive que contenait l’atmosphère, s’est maintenue à ce point le reste de la journée, le mercure montant même d’une nouvelle fraction à 80.5 de 4 à 5 p.m.

Il y a eu plusieurs prostrations durant la journée et sur les quais; les victimes de la chaleur ont été nombreuses.

Toute la soirée, la chaleur fut insupportable, et, dans cette partie de la ville où la population est le plus dense, femmes et enfants sont restés jusqu’à une heure fort avancée de la nuit, allongés sur les perrons, ou le seuil de la porte, cherchant à recueillir le peu d’air frais qui leur manquait à l’intérieur.

Il va de soi que les bains publics ont été très fréquentés toute la journée et que les parcs publics ou privés ont été encombrés.

Bien que la chaleur fut hier accablante à ce point, elle fut néanmoins au-dessous du record enregistré le 18 mai dernier, alors que le mercure s’est élevé à 86. Mais l’humidité n’était alors que de 68 degrés, tandis qu’hier elle marquait 78.

Il est à remarquer que c’est demain le 21 juin, le premier jour de l’été, et que nous sommes actuellement aux jours les plus longs de l’année, le soleil qui se lève à 4 heures 15 le matin et se couche à 7.45 heures le soir, ayant tout le temps qu’il faut pour surchauffer l’atmosphère.

Bref, il faut aujourd’hui demeurer prudent à l’écoute des météorologues québécois à la retraite qui nous annoncent la température à venir pour les semaines et les mois à venir.

Ci-haut, l’huile sur toile, Le déjeuner des canotiers, un tableau bien sûr du peintre impressionniste français Auguste Renoir, créé en 1880-1881. Il appartient à The Phillips Collection, un musée de Washington fondé par le critique d’art et collectionneur Duncan Phillips en 1921.