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On perd son âme dans les hôtels de village

Qu’arrive-t-il avec nos hôtels de village ? Vraiment, il faudrait cesser de les multiplier et commencer à les policer, selon l’hebdomadaire La Tribune, de Saint-Hyacinthe, qui en parle le 21 mars 1890.

Nous admettons la nécessité de ces établissements où le voyageur après une journée de fatigues trouve un bon repas, un bon gîte et toutes les douceurs du foyer domestique. Cependant, comme ces établissements se sont multipliés d’une manière inquiétante depuis quelques années, et que, en raison de la concurrence exercée entre eux, il s’y est glissé des abus déplorables, très préjudiciables à la morale, nous croyons que les municipalités feraient un acte méritoire en éliminant tous ceux de ces établissements qui sont tenus par des personnes qui n’ont pas les qualités voulues pour exercer cet emploi.

Il est évident que dans nos petites villes de campagne, ils sont beaucoup trop nombreux pour les besoins du public voyageur. Il en résulte que quelques-uns de ces établissements sont un piège constamment tendu à la population résidente, qui y est attirée par toutes sortes d’artifices et qui y engloutit très souvent le fruit de ses labeurs journaliers.

Si nos édiles savaient combien de vertus sont exposées à faire un triste naufrage, combien d’honnêtes jeunes gens y ont perdu le respect dû à leurs parents et tout sentiment de dignité personnelle, combien de larmes amères sont versées tous les jours par de malheureuses mères de famille dont les époux ont englouti dans ces établissements le bonheur et l’avenir de leurs familles; s’ils réfléchissaient aux désordres sans nom, aux vices ignobles, aux paroles obscènes, à toutes les scènes dégradantes qui se passent dans ces établissements, oh ! alors, ils reculeraient devant la terrible responsabilité qu’ils encourent en les autorisant.

Ils limiteraient le nombre des hôtelleries à la quantité strictement nécessaire au public voyageur de leur localité. Ils n’accorderaient de licences qu’à des hommes honnêtes, intègres, d’une moralité reconnue, que l’appât du gain ne porterait pas à favoriser l’ivrognerie et la débauche.

Cinq de ces hôtelleries suffiraient amplement aux besoins d’une ville comme la nôtre.

Il va sans dire que le montant de leurs licences devrait être augmenté, pour ne pas diminuer les revenus municipaux, mais d’un autre côté ils se referaient sur le nombre et la qualité de leurs clients.

Il est donc du devoir des contribuables de ne signer qu’un nombre limité de certificats et de refuser impitoyablement leur recommandation à toute personne qu’ils croiront ne pas posséder toutes les qualités requises pour occuper une position qui comporte une pareille responsabilité.

Nos voisins les Sorellois ont adopté ce système qui fonctionne admirablement bien. On dit même qu’il a eu pour effet d’augmenter sensiblement les revenus de la corporation.

Nous ne voyons pas pourquoi nous ne pourrions pas arriver aux mêmes résultats.

D’ailleurs, ne parviendrions-nous qu’à supprimer les établissements interlopes, que nous aurions rendu un service signalé à notre jeune génération sous les pieds de laquelle nous aurons éloigné autant de pièges dangereux.

 

Cette image du Grand Central Hotel de Lac-Mégantic se trouve à l’adresse suivante : http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/illustrations/accueil.htm, au descripteur «Hôtels».

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