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Le retour au pays

Nous parlions depuis peu d’une saignée démographique, que beaucoup de Québécois sont partis vivre en Nouvelle-Angleterre de 1830 à 1930. Nous évoquions les raisons qui les y poussaient, la misère à laquelle ils devaient faire face à l’occasion, et la proposition qu’on faisait à la population québécoise d’aller vivre en plein bois plutôt que de partir pour les «États».

Mais certains reviennent après leur séjour au Sud ! Voyez cet article du Journal de Waterloo, du 29 mars 1894.

 

Ils reviennent, les compatriotes que nous avions vus partir avec peine, ils reviennent les frères dont nous regrettions le départ, les enfants dont la patrie déplorait l’absence. Il en est encore qui ne veulent pas reconnaître ce fait évident pour tous; mais ces gens sont un peu comme les idoles dont parle le prophète roi : ils ont des yeux et ne voient point.

Par tout le pays, la presse constate, chaque semaine, le retour de telle ou telle famille qui a dit adieu aux manufactures américaines pour revenir vivre au milieu des siens. Mais ne voulant pas s’en tenir à ces faits consignés dans notre presse provinciale, le Courrier de St-Hyacinthe a voulu s’adresser à tous les bureaux de douanes de la province, pour avoir le nombre de personnes qui font enregistrer leurs effets à chacun de ces bureaux. D’après ces calculs, notre confrère avait trouvé qu’en 1892 pas moins de 46,410 personnes avaient dû quitter les États-Unis pour revenir au Canada.

Pour 1893, voici le nombre de familles qui ont fait enregistrer leurs effets de ménage à la douane :

St-Jean : 451
Trois-Rivières : 540
St-Hyacinthe : 667
Québec : 819
Frelighsburg : 23
Sorel : 96
Stanstead : 86
Clarenceville : 8
Lacolle : 65
Gaspé : 5
Sherbrooke : 778
Rimouski : 253
Coaticook : 97
Hemmingford : 26
Polton : 26
Sutton : 471
Montréal, par Pacifique Canadien : 874
Montréal, Station Bonaventure : 3,003
 
Total : 8,288

Ce rapport n’est que pour 17 bureaux de douane, tandis qu’il y en a 24 dans la province. En portant à 120 le nombre de familles enregistrées dans les sept autres bureaux, on obtient les chiffres suivants : 8,408.

D’après les rapports des douaniers, il n’y a pas plus d’un tiers, plusieurs disent même un cinquième des familles qui se font enregistrer. En les mettant à un tiers, nous avons donc un total de 25,200 familles rapatriées dans le cours de 1893. Comme la moyenne de 5 personnes par famille n’est pas exorbitante, c’est donc 126,000 personnes qui, en une seule année, sont revenues sur le sol natal.

Fasse le ciel que ce mouvement se continue, pour le bonheur et la prospérité de notre patrie.

Les compatriotes qui nous reviennent ont eu, pour la plupart, une expérience plus ou moins dure de la vie dans les manufactures américaines. Qu’ils profitent de cette expérience, qu’ils soient aussi assidus à leur travail ici qu’ils étaient là-bas, et nous sommes certains qu’ils ne regretteront pas d’être revenus.

 

Voilà plus de 40 ans je trouvais chez un brocanteur un document incroyable, le registre des produits qui entraient quotidiennement par train à la gare de Saint-Agapit, sur la rive sud de Québec, dans la région de Lotbinière. Sous des dehors absolument rébarbatifs, le manuscrit est fort riche d’informations; on arrive quasiment à y lire la vie quotidienne d’une population à travers ce qui y est énuméré. C’est là un document pour nourrir ce qu’on appelle la «nouvelle histoire». L’article ci-haut du Journal de Waterloo raconte que des populations décident de revenir vivre au Québec. Il faut donc qu’elles rapportent leur ménage, leurs biens avec elles. Tout en haut, dans l’illustration, la colonne de droite nous dit que, le 25 avril 1893, un de ces ménages d’émigré revenant dans sa région première (chaises, tables, tapis, bain, cuve, poêle, lit, sommier, etc.) arrive de Watertown, dans l’État de New York, et est pris en charge à Saint-Agapit par Rémi Masse. Le lendemain, 26 avril, arrive de Gardner, dans le Massachusetts, un autre ménage pris en charge cette fois-ci par Alfred Côté. Retour donc au pays avec les biens auxquels on tient encore.

9 commentaires Publier un commentaire
  1. alain gaudreault #

    Le mal du pays est souvent trop dure a supporter.Pour ça, il n’existe qu’un remède qui s’appelle retour!

    18 mars 2013
  2. Jean Provencher #

    Certains ne vivent sans doute pas le mal du pays, Mais pour les autres, en effet, le remède est bien là.

    18 mars 2013
  3. Edouard Bustin #

    Il reste quand même beaucoup de descendants des immigrants du Québéc (et des Maritimes!) en Nouvelle-Angleterre. On estime, en effet, qu’ils représent le plus fort contingent d’immigrés – en tenant compte, bien sûr, de leur progéniture après trois ou quatre générations – pour le NE des Etats-Unis.

    Il est vrai que la plupart d’entre eux ont depuis longtemps perdu l’usage du français – et que beaucoup ont ‘anglicisé’ leurs noms (de « Bailly » en « Bailey », par exemple)

    J’ai connu, parmi mes étudiant(e)s, deux originaires de la St. John’s River valley (à l’extrême Nord du Maine) qui avaient grandi dans des familles qui parlaient encore le « français » – ou, plus excatement, le dialecte acadien – mais je dois avouer que je le comprenais à peine…

    20 mars 2013
  4. Jean Provencher #

    Oh, merci, cher Édouard, pour ces précisions, ces informations. Vous me faites penser que ce cher Jack Kerouac était descendant d’immigrants québécois.

    20 mars 2013
  5. Françoise Bourgault #

    J’ai des cousins vivant au Massachusett, au Rhode-Island et en Californie qui ont décidé de revenir visiter le pays de leurs ancêtres à Saint-Léon-de-Standon en Bellechasse. Quelques-uns parmi les plus âgés ont gardé « leur français » qu’ils n’utilisent que lorsqu’ils viennent au « Canada ». Ils trouvent important ce retour aux sources et veulent faire connaître à leurs enfants le pays des grands et arrières-grands-parents.
    Ils sont très émotifs en voyant la terre qu’occupaient leurs ancêtres avant l’exil aux Etats, comme si un peu de leurs racines s’y trouvaient encore.
    C’est beau à voir ! On dirait même que l’étude du français revient à la mode…

    26 octobre 2015
  6. Jean Provencher #

    Ah, merci infiniment, chère Françoise, de ces informations fort rafraîchissantes ! J’espère que Vous-même, Vous allez bien. Je garde de bien bons souvenirs de mon passage chez Vous, à Saint-Léon-de-Standon. Bel automne à Vous.

    26 octobre 2015

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