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«Je vous aime»

En cette Saint-Valentin, quoi de plus frais que ce texte échappé soudain dans les colonnes du Monde illustré du 14 février 1891 sous le titre Fantaisie de carnaval.

C’est une paysanne qui vous arrive aujourd’hui, bien tremblante, je vous assure, à l’idée de se trouver en aussi brillante compagnie, et se faisant bien petite, bien humble, pour mériter votre indulgence à tous. Me la refuserez-vous ou regarderez-vous d’un œil sévère cette pauvre petite étoile nébuleuse qui apparaît ainsi tout à coup à la surface du MONDE ILLUSTRÉ, où vous brillez d’un si vif éclat…. Vous surtout, chroniqueur incomparable, Léon Ledieu, qui m’inspirez un enthousiasme qui n’a d’égale que mon admiration ! Votre style me charme, et ce dernier article du regretté Mgr Labelle m’a fait pleurer…. de vraies larmes d’attendrissement ! De grâce, M. Ledieu, épargnez-moi, car une de vos fines critiques me ferait rentrer dans l’ombre !!!….

Vous, Hermance, je vous aime, oh ! …. mais beaucoup ! …. et…. si j’avouais que vous êtes cause de mon apparition soudaine au milieu de vous ! ….Votre dernière chronique et L’Inconstance de monsieur P….. m’ont mis en tête une foule d’idées toutes plus originales les unes que les autres et de cette gracieuse idylle, à peine ébauchée entre vous, j’ai bâti tout un roman ….. quand vous n’êtes encore qu’à la préface ! …. Un des chapitres a pour titre : Intervention d’une inconnue et …. me voici ! ….

Aurai-je votre sympathie, Hermance ?

Peut-être …. lorsque je vous dirai que je vis dans un village perdu au fond de sauvages montagnes, sans communications aucunes avec les grands centres …. j’allais dire les centres civilisés ! Sans distractions, sans plaisirs, presque sans amis…

Et cela six longs mois durant … ces longs mois d’hiver dont rien ne vient rompre la désespérante monotonie.

Le carnaval est chose inconnue ici — pour ma part, cette escapade (j’appelle ainsi ma résolution d’écrire), cette escapade donc est la seule fantaisie que je me sois permise, — et …. avouez que c’est bien là réellement une fantaisie de carnaval ! ….

Si vous y tenez, charmante Hermance, je vous ferai mon portrait, je vous dirai ma manière de vivre, je vous ferai une description de mes montagnes, de cette nature étrange, tourmentée, qui fait de notre pays un pays pittoresque entre tous.

Voulez-vous ? Si oui, cette correspondance aura pour moi un grand charme, elle sera le rayon de soleil éclairant ma sombre vie.

Malheureusement, cette merveilleuse invention qu’on nomme «téléphone» n’existe pas dans nos parages…. quel dommage, vraiment ! …. nous ferions si vite et si parfaitement connaissance. Qu’en pensez-vous ?

Marie-Laure ! c’est une amie intime à moi; pourtant, je suis persuadée qu’elle ne me reconnaîtra pas ici … Je l’en défie …. elle ne me croit sûrement pas capable d’une telle hardiesse.

Chevrier [en quelque sorte, correspondant à Paris du journal] ! oh ! celui-là, je le passe sous silence et pour cause : le nombre de ses admiratrices est assez grand déjà …. d’ailleurs, que lui importerait l’appréciation d’une pauvre petite montagnaise inconnue, lui qui, j’en suis sûre ne tardera pas à régaler ses lecteurs d’une gentille poésie ayant pour titre « La Parisienne ».

Mais …. voici que ma confusion devient extrême et je n’ose plus lever les yeux ! Je demande donc pardon à la ronde de mon intrusion, et je me sauve en réclamant de nouveau l’indulgence de tous. De vous, Hermance, j’attends un mot de bienvenue !

Benjamine

 

J’ignore tout de cette Benjamine des montagnes.

Ci-haut, La Tête de cire, une pièce non datée qui proviendrait d’Italie et aurait été léguée en 1834 à la Société des sciences, de l’agriculture et des arts de Lille par Jean-Baptiste Wicar. Elle est faite de cire d’abeille légèrement polychromée, ses yeux sont en verre soufflé. On ne connait ni l’auteur, ni la date de sa fabrication. Jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elle demeurera l’œuvre la plus impressionnante du Palais des beaux-arts de la ville de Lille, en France. Encore aujourd’hui, le mystère est grand à son sujet et elle suscite toujours la curiosité des chercheurs.

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