Ne vous en prenez pas à l’hiver québécois
Au début des années 1890, l’avocat montréalais G. A. Marsan entretient une correspondance avec un ami français prénommé Louis et habitant Montpellier. On ignore la teneur d’une des lettres de Louis, mais Marsan sent le besoin de corriger sa perception de l’hiver québécois. Et Le Monde illustré publie un extrait de son texte le 24 janvier 1891.
Pour le moment, je réponds à cette partie de votre dernière lettre où vous faites le plus sombre tableau possible de notre hiver. Selon vous,
La brume et la froideur
Ont passé sur nos champs,
Et leur belle parure s’envole
Au gré des vents…
La longue nuit commence,
Le feu s’éteint, l’on dort;
Tout est dans le silence.
Tout ressemble à la mort.
Il n’y a pas à contester que la neige s’étend en épaisses couches sur nos contrées, mais les communications n’en souffrent guère. La brume n’est pas continuellement le compagnon de la froidure : je dis mieux, le ciel est des plus purs durant maints hivers.
Sachez, cher ami, que le citadin autant que le villageois ne cède à aucune forte appréhension au début de l’hiver. N’en soyez pas surpris, car le citadin préfèrera cette dernière saison parce que les amusements sont alors plus variés. Montréal, la métropole commerciale du Canada, s’est souvent fait remarquer par ses féériques palais de glace, ses magnifiques glissoires et ses parties de plaisir se succédant sans interruption. Il en est ainsi de toutes les autres villes qui disposent alors de tout ce qui peut égayer les citoyens.
Pour ce qui concernera le villageois, son plaisir n’est pas moins appréciable. Il jouit en repos de tous les biens que lui a rapporté son labeur de l’été, les forêts lui procurent le combustible nécessaire, et, entouré de sa nombreuse famille, il passe agréablement ses soirées d’hiver. Voulez-vous mieux vous en convaincre ? Pénétrez avec moi dans une chaumière, alors que sévit même la plus affreuse tempête de neige.
Dès le seuil, vous êtes surpris par la gaieté peinte sur toutes les figures. Vous voyez le père de famille assis auprès de l’âtre flamboyant : une lueur, qui répand avec sa chaleur une douce et pâle clarté sur les visages enfantins, communique à cette apparition soudaine un charme inexprimable. Quoi de plus beau, en effet, que de contempler un vieillard vénéré de ses petits fils qui se pressent à ses côtés ! Voyez-les tous attentifs à l’anecdote plaisante et instructive qu’il leur raconte en termes faciles. Voyez la satisfaction qui se réflète sur tous leurs traits, et admirez la bonté qui éclate chez tous ces enfants.
En un mot, mon cher ami, tous les Canadiens aiment tellement cette neige qui scintille comme des diamants, et conservent un si bon souvenir des soirées intimes de l’hiver, qu’ils n’échangeraient probablement pas leur position pour une autre, dans un pays favorisé d’un climat plus doux.
Ne redoutez donc plus pour nous ce que nous sommes presque unanimes à désirer.
L’illustration provient du Canadian Illustrated News, édition du 18 décembre 1873.
Ayant déjà vécu une partie de l’hiver dans le nord de la France, j’aimerais que ceux qui déteste la neige et souhaite sa disparition lisent ceci. L’hiver dans le nord de la France n’est qu’une succession de jours gris, souvent bruineux avec un taux d’humidité oscillant entre 80 et 100%. (J’exagère à peine) Le thermomètre marque entre 1 et 5 degrés le jour et -2 ou -3 la nuit. Ce froid humide et insidieux traverse les lainages les plus impénétrables et ce gris omniprésent rendrait neurasthénique la plus rieuse des hyènes.
Heureusement, la chaleur de l’accueil des picards, des normands, des marnais, des ch’tis et autres habitants septentrionaux de l’hexagone compensent cette aberration météorologique.
Alors, je me suis mis. à rêver de la neige, du froid sec et cinglant de nos contrées, car oui cette neige a mille vertus quand on observe bien: la neige tombant fait chuter d’autant le taux d’humidité, au sol, par réflexion elle multiplie la lumière et , mieux, pour un oeil averti, elle irise! C’est un terrain de jeu fantastique, une source infinie d’émerveillement quand elle habille nos villes et nos forêts! Elle a tant de formes, de la fine poudre aux volatiles arabesques au cristaux de gros sel, et ce son si hivernal quand elle crisse sous nos pas…Bien sûr les esprits chagrins adeptes du verre à moitié vide y verront une source d’activités chagrines comme pelleter, gratter, marcher avec peine, etc.
Pour ma part, je ne possède pas la fibre du «snow bird»; la neige, lorsqu’absente, fait partie de mon mal du pays et l’hiver est pour moi aussi essentiel que l’été…
Merci, cher Pierre. J’ai vécu un peu la même chose. En 1969-1970, j’étudiais à Paris, mais mon ex-épouse, mon fils et moi habitions en banlieue. Et, en janvier et février 1970, nous avons vécu 54 jours d’affilée, bien comptés, sans jamais voir un rayon de soleil. Ça nous était incroyable. Dieu que nous nous sommes ennuyés du grand blanc marié au grand bleu de notre hiver québécois. C’était vraiment à déprimer.
Et que dire du ciel bleu imparable du mois de février, qui a ce qui parait est le mois le plus ensoleiller de l’année!
Ah, les cieux bleus de l’hiver québécois ! J’ignorais que février était le plus ensoleillé, cher Monsieur Gaudreault