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Montmartre

Allez, payons-nous la traite. Le 16 janvier 1897, dans Le Monde illustré, le poète et chroniqueur Rodolphe Brunet, revenant de France, échappe quelques lignes sur son séjour à Paris en décembre, en particulier à Montmartre. Un court voyage à quelques heures du jour de l’An. Nous baignons dans la vieille France.

Au pied de la Butte, nous descendons, puis, en passant sur le pont Caulaincourt qui traverse le cimetière de Montmartre, nous arrivons rue de Maistre pour monter ensuite la rue Lepic.

La rue Lepic, dont l’ascension est difficile, décrit une courbe où presqu’au haut nous apercevons le fameux Moulin de la Galette dont parlent toutes les légendes amoureuses de Montmartre.

À la rue Lepic, succèdent dix petites rues étroites et singulièrement originales.

Si vous passez par là le dimanche, on vous regarde avec des yeux étranges où brillent des pensées d’envie peut-être si votre costume est riche, ou de curiosité profonde. Néanmoins, il y a aussi dans ces yeux des éclairs d’orgueil content de voir ainsi admirer leur chère Butte.

Quand le soir tombe, vous voyez les caboulots et les mastroquets de ces rues petites, pauvres et sombres, s’allumer blafardement, et, les figures d’artistes, de rapins et d’ouvriers qui sont là se racontant leurs modestes luttes pour la vie; les femmes en tablier et les compagnes — aimées des artistes — se mêlent aux vendeuses d’amour, et toutes parlent de leurs petites affaires : les unes avec un air content et gai, tandis que les autres, songeuses, accoudées le menton dans la main, se plaignent de la dureté du sort, de ceci de cela.

Beaucoup de cabotins se lamentent contre leurs directeurs, en faisant de l’esprit douteux, alors que d’autres commandent au garçon des verres d’absinthe ou des huîtres avec du vin blanc; ces derniers ont de bons engagements, du moins ils s’en vantent.

Montmartre est la demeure favorite des chanteurs de cafés-concerts et des acteurs, en même temps que celle des artistes de tous genres.

Dans ces cabarets de la Butte, on trinque, on chante, on rit et les bonnes commères, taquinées par les garçons ou les clients, disent avec une grosse voix souriante : « Ah ben ! mon vieux, t’as pas peur ! »

 

Tenez, à cet article sur Cora Vaucaire, nous avions attaché cette belle chanson, La complainte de la Butte. Un bonheur.

L’illustration est de leauquidort sur Flickr.

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