Y a-t-il de la vie sur Mars ?
Au cours de la dernière semaine d’octobre 1909, un lecteur du journal Le Canada français, de Saint-Jean-sur-Richelieu, demande si la planète Mars est habitée. Bonne question. Le journal lui répond ainsi le 29 octobre :
Une de nos concitoyens, qui s’intéresse à l’astronomie et particulièrement aux observations sur la planète Mars, nous demande si nous croyons que cette planète est habitée.
Nous éviterons de répondre à cette question en mettant notre savant lecteur en communication (au figuré, bien entendu) avec le secrétaire général de l’observatoire de Paris, que l’on interrogea sur les récentes observations faites par les astronomes.
Voici ce qu’il a déclaré :
Tout d’abord, je dois dire que nous ne faisons pas ici des observations spéciales de Mars. MM. Mascart et Viennet, d’une part; M. Digourdan, au grand Équatorial, d’autre part, la suivent bien avec la plus grande attention. Mais ils n’ont pu remarquer jusqu’à présent de grands changements, dont il est difficile de déterminer la nature, dans l’aspect quotidien de la planète.
Ces changements ont été signalés par d’autres observateurs, notamment par M. Jarry-Desloges, à Aix-les-Bains. Il nous indique, entre autres choses, l’apparition, près des deux crevasses de Lobel, d’une troisième crevasse. Le directeur de l’Observatoire de Hem signale un point brillant dans les neiges de la planète. La calotte polaire de celle-ci, qui est en été, est de forme irrégulière et «diminue rapidement». Est-ce la fonte de la glace ?
Voici encore la dernière dépêche de M. Jarry-Desloges : «Mare cimmérienne coupée obliquement, bande claire entre Elidania et Electris, vaste golfe nouveau sur Zéphyria».
On confirme donc des changements importants et très rapides dans la planète. Mais que faut-il penser ? Il n’y a guère actuellement qu’un point hors de conteste, grâce aux expériences de M. Lowell. C’est la présence de l’oxygène dans notre voisine; quant aux raies spectrales de la vapeur d’eau, à celles de la chlorophyle démontrant l’existence de la végétation, elles restent hypothétiques
— Et les fameux canaux de Mars ?
— On les voit avec de petits télescopes; mais on ne les voit pas avec des instruments beaucoup plus puissants.
— Ont-ils vraiment des formes rectilignes pouvant indiquer qu’ils sont le résultat de travaux intelligents ?
— Des expériences ont démontré que des lignes de formes très irrégulières prennent à grande distance des aspects rectilignes.
— Alors l’habitation et même l’habitabilité de Mars ?
— Simples hypothèses !
— Aurez-vous d’autres renseignements ?
— Certes ! Ici, nous ne sommes pas très bien placés pour ce genre d’observation, et nos instruments ne sont pas très puissants : 39 centimètres d’ouverture, alors que celui de Nice a 76 centimètres et est placé à bonne hauteur — 376 mètres — pour d’excellentes observations. Mais il y a un poste encore mieux établi, c’est celui de M. Lowell, — l’un des meilleurs observateurs de Mars, — à Flaggstaff. Il est situé à 2,200 mètres de hauteur, ce qui le soustrait en partie aux vapeurs d’eau terrestre, et il possède un instrument de 61 centimètres d’ouverture.
Il ne faut pas perdre espoir d’avoir bientôt de nouveaux renseignements sur notre voisine. Mais il ne faut pas se faire trop d’illusions.
Sur l’astronome américain Percival Lowell, voir cette page Wikipédia.
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P. S. C’est aujourd’hui l’Halloween. Il y a un an et je répéterais mon propos, je disais ne pas avoir trouvé trace de cette fête dans la presse québécoise de 1900. Je persiste à croire que c’est le monde de la consommation, au 20e siècle, qui s’est donné cette célébration, un temps creux pour lui dans l’année.
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