Voyage à Saint-Hugues
Le 28 septembre 1900, Gustave, le correspondant de journal maskoutain La Tribune à Saint-Hélène, n’a guère à écrire. Pourquoi ne pas raconter alors son petit voyage à Saint-Hugues, à 13 kilomètres de chez lui ? Ballade par un beau dimanche d’automne, dans la plaine au sud du Saint-Laurent.
Le temps pluvieux et sans soleil de dimanche matin n’était guère invitant à la promenade, mais, tout de même, pour parler le pittoresque langage de nos frères Acadiens, j’avions une telle envie d’aller revoir les amis de St-Hugues que j’ons bravé le serein, la brume et les vilains nuages gris qui s’amoncelaient menaçants dans l’est et vers le sud. Mais l’ouest, quoiqu’ayant des taches grisâtres et d’un blanc douteux laissait apercevoir des clairières radieuses, signes infaillibles d’un beau temps rapproché.
Après un copieux déjeuné [sic] d’omelette aux fines herbes arrosé d’un verre du bonhomme de Kuyper, nous nous installons chaudement et confortablement dans un quatre roues et file gadèle vers la paroisse que nous aimons toujours. En route, nous ne pouvons nous lasser d’admirer les magnifiques troupeaux qui font à juste titre l’orgueil des cultivateurs tout en indiquant approximativement leur richesses particulière, puis l’abondance des légumes et la propreté remarquable des fermes entretenues. Ce troisième rang qu’on nous disait le plus pauvre en apparence des deux paroisses a vraiment l’air prospère et nous ne comprenons point que l’école soit encore à venir.
C’est un regret que j’exprime parce qu’il est partagé par des patriotes désirant l’avancement intellectuel et religieux de ces compatriotes.
En une heure et quelques minutes, nous avons franchi la distance qui nous a paru d’autant plus courte que nous étions en famille et bien décidés à nous amuser.
Nous avons juste le temps de serrer la main à nos aimables hôtes et à quelques amis qui ont l’habitude ici comme dans toutes les autres paroisses de la campagne de se rendre à l’église quelques minutes avant la messe pour jaser sur les événements de la semaine. Le service du Seigneur est vite fini dans ce temple qu’on retrouve toujours plus blanc chaque fois qu’on le revoit. […]
Après un succulent dîner pris en aimable compagnie, j’entreprends la visite du village, lequel je trouve agrandi et toujours propre comme à l’ordinaire. À un coin de rue, nous rencontrons le banquier Laflamme qui porte allègrement ses 92 ans et celui non moins lourd de milliers de dollars qui n’ont pas l’air de l’affaiblir. Un peu plus loin, c’est le robuste père Deschènes arrivé depuis peu du Cap Nome où il a laissé ses espérances et placé quelques… économies ! Peu importe, nous dit-il, la mer et les voyages périlleux nous tentaient encore malgré nos 70 ans et nous sommes revenu guéri pour toujours. Nos compagnons, les messieurs L’Heureux ont continué leur route en se rendant au Yukon.
En attendant que ces entreprenants compatriotes reviennent cousus d’or, allons causer un brin chez M. le Dr Désy. C’est le lieu de rendez-vous de la jeunesse active du village, nous y avons rencontré messieurs J. E. Phaneuf, Dr Michaud, Paquette, M. le notaire Gélinas, etc. Naturellement, on s’entretient gaîment des élections prochaines, des chances respectives de son choix et du prochain retour du brave soldat Hugues Proulx, revenu des champs de bataille d’Afrique où il a été grièvement blessé. […]
Décidément, le temps était devenu parfaitement beau et c’était grand plaisir de voir le soleil radieux darder ses rayons aux fenêtres des jolies maisonnettes et des demeures princières du village, mais il fallait songer au retour et, quelques instants après, nous revenions par le douzième rang, jouissant une fois encore des beautés naturelles s’offrant à nos regards admirateurs. Nous emportions le meilleur souvenir de cette courte visite nous promettant bien de la renouveler le plus souvent possible.
L’attelage ci-haut est une œuvre d’André A. Saint-Pierre, directeur de la Station de recherche de Deschambault de 1940 à 1962. Au fil du temps, il a modifié son nom pour Andréa Saint-Pierre. Cette pièce est simplement signée A. St-Pierre.
Oh! Quel plaisir vous me faîtes cher historien, un texte qui parle du pays maternel, j’en fais part à mon vieil oncle qui a peut-être entendu parler de ces personnes par mon grand-père habitant du 4ième rang de St-Hugues.
Se peut-il qu’il y ait une erreur : le retour a du se faire par le 2ième rang , car dans mon souvenir il n’y avait pas de 12ième rang.
L’erreur n’est pas de moi, chère Vous. Le journaliste écrit bien « douzième rang », en lettres. Était-ce coutume à Saint-Hugues de prendre un p’tit coup en après-midi, le dimanche, avant de reprendre la route pour Sainte-Hélène en fin de journée ? Et de lire « 12 », alors que c’est écrit « 2 » ?
En effet le « bonhomme Kuyper » a du faire son effet !
Bien oui, du gros de Kuyper au petit déjeuner ! Celle-là, jamais je ne l’avais vue ailleurs.
Mais les articles du journaliste de Sainte-Hélène ne sont jamais signés. Aussi sa réputation est préservée.
D’ailleurs, je crois comprendre qu’il part en famille et en voiture à cheval. Je suppose que sa douce, connaissant son oiseau qui débute sa journée au gros gin, menait le cheval. Lui avait le mandat de prendre note du numéro du rang emprunté.
Je me suis régaler de ce texte. Je suis née au 2e rang de St-Hugues et j’ai grandi au 4e rang.
Votre narration me ramène loin en arrière et M.De Kuyper était bien apparenté à tout le monde en ce temps-là.
Merci et au plaisir de vous relire.
Wow, chère Vous ! Fort heureux de vous savoir là ! Donc, nous ne sommes pas trop dans le champ quand nous croyons que M. De Kuyper est au programme.
Hé, merci beaucoup de votre soudaine apparition !