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« En danse, constable ! »

Au début du 20e siècle, à Montréal, les policiers doivent se livrer à des exercices militaires. Plusieurs se demandent à quoi ça sert. Mais vient un jour où ça se révèle utile, semble-t-il. Du moins, c’est ce que rapporte La Patrie du 18 avril 1901 sous le titre « En danse, constable ! Un certain personnage, armé d’un grand couteau, force un policier à faire l’exercice militaire ».

 

Samedi, dans la soirée, le constable Choquette a fait un bout d’exercice militaire, bien malgré lui, c’est le cas de le dire. On sait d’ailleurs que nos policiers sont loin d’être friands de ces exercices imposés d’un bout de l’année à l’autre par la haute autorité. Mais il se présente des circonstances où ils sont forcés de mettre en pratique les leçons reçues à la salle de la rue Craig. Nous en donnons comme preuve le cas du constable Choquette.

Un téléphone le manda en toute hâte dans une respectable maison de la rue Cherrier, où un diable d’homme, armé d’un couteau à la lame longue et effilée, menaçait les parents justement affolés de terreur. Le drôle maniait la lame avec la dextérité d’un d’Artagnan. Il aurait pu rendre des points à M. Cazeneuve du Théâtre National Français, au dire du constable. Quand ce dernier se présenta dans la pièce où se jouait une comédie qui aurait pu facilement dégénérer en tragédie, l’homme, d’un mouvement rapide comme l’éclair et avec l’élégance d’un acteur consommé, lui menaça le front de la pointe de son couteau. «Attention !» cria-t-il.

Le policier, surpris, obéit au commandement. Puis, continuant, le drôle ordonna au policier de lever le bras droit, puis le bras gauche. Pendant que le constable exécutait les commandements, le couteau voltigeait autour de sa tête.

Deux pas en arrière…
Deux pas en avant…
Allons, c’est pas mal du tout ! Maintenant, tournez à droite… à gauche… de mieux en mieux. Ne bougez plus, car mon couteau pourrait s’égarer dans votre poitrine ou vous faire des entailles qui nécessiteraient à coup sûr votre renvoi du corps de police où l’on a besoin que de beaux hommes.

Le policier commençait à trouver que la farce durait un peu trop longtemps, quand une fausse manœuvre du chevalier du couteau le rendit maître de la situation.

L’étrange individu ayant eu l’imprudence de tourner la tête pour voir quelle impression ses tours d’adresse produisaient sur les spectateurs, le constable lui enserra le corps de ses bras nerveux. Le drôle laissa tomber le couteau, que le policier envoya au fond de la chambre d’un coup de pied.

Et maintenant, mon petit, tu vas payer tes farces. Rira bien qui rira le dernier, tu sais.

Le constable qui est un athlète le chargea sur ses épaules comme l’on fait d’un mouton, et le transporta au poste voisin.

Le tout s’est terminé dans le cabinet particulier du recorder. L’homme au couteau a dû fournir un cautionnement de $200, qu’il ne fera plus pendant un an au moins de tapage chez ses parents, et qu’il se gardera bien pendant cet espace de temps de faire faire des exercices militaires à nos bons constables qui n’en ont déjà que trop.

 

La photographie du policier Roch Noreau, prise vers 1890, provient de Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Montréal, Collection Monique Mercure-Vézina, Photographies, cote P157, S4, P1052.

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