Ah, pas toujours facile de s’aimer !
Parfois le roucoulement n’a qu’un temps. Étonnante histoire que celle-ci racontée par le Quotidien de Lévis le 13 avril 1895 !
L’autre soir, un jeune galant d’une paroisse des environs alla reconduire chez elle, après une soirée, l’objet de sa flamme. La mère de la jeune fille, qui était en costume de nuit, descendit ouvrir, mais, apercevant le jeune homme, alla se blottir derrière un sofa, dans le salon, croyant qu’il ne resterait pas longtemps.
Invité à entrer cependant, il accepte l’invitation, et nos deux amoureux allèrent s’asseoir précisément là, sur le sofa en question, et y restèrent plus d’une heure à roucouler et, se croyant seuls, à ne pas se gêner dans l’expression de leurs tendres sentiments.
Quand enfin le jeune homme partit et que la mère toute meurtrie put sortir de sa cachette, la jeune fille s’aperçut que le bonheur est éphémère et que les fleurs ont quelquefois des épines.
Ah! pas toujours facile de faire la suite; chez-nous dans charlevoix, marraine avait eu, une année, le 1er prix du concours du plus beau jardin:ses plates bandes et ses ronds de fleurs étaient à ravir:le soir vers les sept heures nous les femmes avions terminé notre journée et sous la véranda, du côté du soleil couchant, étalions nos langueurs dans des pyjamma chinois rouge et noir avec cordons croisés ;ça c’était la partie qu’il ne fallait pas dire aux soeurs du couvent.
Ah, le bonheur de la véranda au soleil couchant en pyjama chinois rouge et noir avec cordons croisés ! Je l’imagine bien, Mildred.
Mon père nous racontait que lorsqu’il allait veiller chez ma mère, mon grand-père remontait l’horloge pour indiquer qu’il était temps de partir… Un sourire me vient toujours quand je la remonte aujourd’hui.
De son côté, mon beau-père nous faisait bien rire en racontant qu’à Mégantic il avait des petites blondes écossaises qui demeuraient au-delà du cimetière. À l’aller, il faisait jour lorsqu’il passait devant mais au retour la peur des morts le gagnait… et il revenait à la maison pas mal plus vite qu’à l’aller.
Absolument, Louise. Il y a de ces codes, de ces moments, que les nôtres se donnaient et qui nous restent, comme ça, dans la tête, ineffaçables, nous projetant soudain dans le passé, sans prévenir.
À ma campagne, quelque part en août, lorsqu’il me faut enlever les fils d’araignée et les quelques insectes desséchés sous le toit de mes galeries avant et arrière, j’attache lâchement une vieille guenille à mon balai que je passe ça et là. Et, soudain, les bras en l’air, je revois ma grand-mère Valéda faisant de même sur sa galerie, rue Cartier, à Trois-Rivières.
Au fond, c’est bien elle qui alors m’apprenait ce geste. Il m’arrive de penser que, dans la vie de tous les jours, ce qui nous reste de nos aînés n’est pas tant les commandements que le simple exemple qu’ils furent. L’enseignement venait de les observer faire, d’apprendre leurs réactions. Chère vie étonnante.